Le torchon brûle entre le patron de DCNS et le ministère de la Défense

Au cours de leur audition devant les députés de la commission de la Défense nationale et des Forces armées, les responsables de l’industrie française de l’armement ont tous évoqué les conséquences de la prochaine Loi de programmation militaire (LPM) sur leur plan de charge, et donc, sur l’emploi.

Le texte, en cours d’examen au Parlement, prévoit, afin de préserver autant que possible la trésorerie du ministère de la Défense, des étalements, voire des réductions de commandes, ce qui, bien évidemment, n’est pas neutre pour les industriels du secteur, qui doivent ainsi renégocier avec la Direction générale de l’armement (DGA) des contrats déjà conclus.

Dans le même temps, l’objectif est de limiter la casse industrielle au maximum tont en préservant l’activités des bureaux d’études. Si Antoine Bouvier, le patron du missilier MBDA, reconnaît que la production de son groupe sera affectée, il se félicite, en revanche, que la priorité ait été donné à la recherche et au développement.

Mais le ton a été tout autre pour Patrick Boissier, le Pdg de DCNS. Au point qu’il s’est attiré les foudres du ministère de la Défense. Qu’a-t-il dit? Tout simplement que l’étalement des programmes FREMM (frégates multimissions) et Barracuda (nouveau sous-marin nucléaire d’attaque) allait coûter cher aux contribuables, c’est à dire environ 1,2 milliard d’euros. Il n’y a rien de bien surprenant à cela étant donné que cette recette a déjà été appliquée par le passé et que l’on sait qu’elle revient, in fine, à augmenter le prix des équipements.

Cependant, les propos de Patrick Boissier ont été mal reçus à la DGA. « Mordre la main de celui qui apporte plus de 70 % du chiffre d’affaires, c’est assez peu élégant, mais on est habitué », a ainsi commenté un de ses responsables, d’après le quotidien Les Echos. Et les critiques à son endroit ont fusé. Il lui est ainsi reproché de ne pas avoir anticipé les conséquences des réductions de programme sur l’emploi et de ne pas en faire assez à l’exportation.

Argument curieux dans la mesure où la gamme du constructeur naval est « dictée » par les besoins des forces françaises, lesquels ne correspondent pas forcément à ceux d’autres pays. C’est ce qui explique, en partie, les difficultés pour placer à l’étranger les FREMM, jugées trop complexes. A cela s’ajoute le fait que les contrats à l’exportation sont liés généralement à des considérations politiques. Quant aux sous-marins nucléaires, évoqués par Patrick Boissier lors de son audition, ils ne sont pas destinés à être exportés.

Quoi qu’il en soit, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, en a remis une couche dans les colonnes de Ouest France, ce 25 septembre. « C’est le ministère de la Défense qui est le premier client de DCNS et l’État le premier actionnaire de DCNS (64 %) », a-t-il affirmé. « Monsieur Boissier doit rester dans le cadre de ses fonctions. Ainsi en matière d’actionnariat, le décideur c’est moi; aujourd’hui la question d’un nouveau modèle n’est pas à l’ordre du jour », a-t-il insisté en ajoutant, à l’endroit du patron du constructeur navale que « quand on négocie, il vaut mieux s’adresser à ceux qui détiennent le pouvoir de décision. »

Quant aux FREMM, M. Le Drian a confirmé le nombre de 11 exemplaires, « toutes livrées avant 2025 ». Ce qui veut dire que le sort des trois dernières se décidera pendant l’exécution de la LPM 2014-2019. Le ministre a précisé qu’une décision serait prise en 2016, c’est à dire le temps d’attendre « pour choisir entre les actuels modèles et la frégate de nouvelle génération. »

Enfin, pour le SNA Barracuda, M. Le Drian affirme que le premier exemplaire des 6 commandés, le Suffren, sera livré en 2017. « Il est faux de dire que la première livraison interviendra en 2019, ce sera en 2017 », a-t-il affirmé, contredisant ainsi le patron de DCNS.

Cependant, le rapport annexé au projet de LPM laisse pourtant entendre le contraire. « Fin 2019, le premier des 6 nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque Barracuda remplaçant les Rubis, aura été livré et admis au service actif », peut-on y lire (page 21, article 2.7.2). Or, il était prévu, selon les plans initiaux, la livraison de 2 SNA à cette date : le Suffren en 2017 et le Dugay-Trouin deux ans plus tard.

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