Syrie : Pour le président Hollande, « tout va se jouer cette semaine »

Alors que Damas a autorisé la mission des Nations unies chargée d’enquêter sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie à se rendre sur les sites où, selon toute vraisemblance, une attaque aux gaz neurotoxiques a eu lieu le 21 août dernier, l’éventualité d’une intervention militaire occidentale contre le régime de Bachar el-Assad se précise.

Ainsi, le 25 août, lors d’un entretien téléphonique avec son homologue américain, Barack Obama, le président Hollande a assuré que « tout concorde pour désigner le régime de Damas comme l’auteur » de cette attaque qui aurait fait, selon Médecins sans frontière (MSF) et l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), entre 300 et 350 victimes.

Les deux dirigeants « ont discuté de réponses possibles par la communauté internationale et convenu de nouvelles consultations étroites », a fait savoir la Maison Blanche, qui a également précisé que le Premier ministre britannique, David Cameron, et le président Obama ont évoqué « les possibilités de riposte de la communauté internationale » contre Damas.

Plus tôt, dans un communiqué diffusé par l’Elysée, le président Hollande avait évoqué « un faisceau d’évidences » indiquant que l’attaque du 21 août était de « nature chimique » et que « tout conduisant à considérer » que le régime de Bachar el-Assad en était « responsable. »

Quoi qu’il en soit, une intervention militaire en Syrie se précise. « Tout va se jouer cette semaine. Il y a plusieurs options sur la table, qui vont du renforcement des sanctions internationales aux frappes aériennes en passant par l’armement des rebelles. Il est encore trop tôt pour se prononcer de façon catégorique sur ce qui va se passer. Les experts de l’ONU vont enquêter sur place. On laissera aussi un peu de temps au processus diplomatique. Mais pas trop non plus. On ne peut pas rester sans réagir face à l’utilisation d’armes chimiques », a confié le président Hollande au quotidien Le Parisien.

« Il faut proportionner les réactions (…) et c’est ça qui va être arbitré au cours des jours qui viennent », a affirmé Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, à l’antenne d’Europe1, ce 26 août. « Les options sont ouvertes, la seule option que je n’envisage pas, c’est de ne rien faire », a-t-il ajouté.

« Bachar el-Assad confirme qu’il se moque comme d’une guigne non seulement de la vie humaine, mais aussi de la légalité internationale. Coup de pied de l’âne, ces faits surviennent exactement un an après les déclarations claires du président Obama (ndlr, sur la ligne rouge qu’il avait définie au sujet des armes chimiques). À ce moment-là, on ne peut rester sans réaction forte », avait auparavant affirmé le patron du Quai d’Orsay dans un entretien accordé au Figaro.

Côté américain, la Maison Blanche a indiqué, le 24 août, que le président Obama avait « assisté à l’exposé détaillé qu’il avait demandé sur la palette d’options potentielles devant préparer les Etats-Unis et la communauté internationale à répondre à l’utilisation d’armes chimiques » en Syrie. Le lendemain, le secrétaire à la Défense, Chuck Hagel, a précisé que le Pentagone « a préparé toutes les options, s’il (ndlr, Barack Obama) décidait de choisir l’une d’elles. »

Seulement, cette éventualité d’une intervention militaire en Syrie, à laquelle la Turquie a fait savoir qu’elle s’y joindrait si elle a lieu, fait l’objet de mises en garde répétées de la part de la Russie, alliée du régime de Bachar el-Assad, lequel par ailleurs nie avoir fait usage d’armes chimiques lors de l’attaque du 21 août.

« Nous sommes satisfaits de l’approche constructive des dirigeants syriens pour mettre en place une coopération efficace avec la mission de l’ONU », a déclaré le porte-parole de la diplomatie russe, Alexandre Loukachevitch. « Dans ce contexte, nous appelons vigoureusement ceux qui, en essayant à l’avance d’imposer aux experts de l’ONU les résultats de leur enquête, évoquent la possibilité de mener une opération militaire en Syrie, à faire preuve de bon sens et à ne pas commettre une erreur tragique », a-t-il ajouté.

Quant au ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui s’est entretenu avec John Kerry, son homologue américain, il a « attiré l’attention de son interlocuteur sur les conséquences extrêmement graves d’une possible intervention militaire pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord où des pays comme l’Irak ou la Libye sont toujours déstabilisés.

La question de cette attaque chimique devrait être abordée au sein du Conseil de sécurité le 27 août. Mais il est certain que toute initiative contre Damas sera bloquée par la Russie et la Chine.

« Différentes hypothèses doivent donc être envisagées », a avancé Laurent Fabius, alors que son prédécesseur au Quai d’Orsay, Alain Juppé en a appelé à « aider militairement la résistance syrienne ». « Je sais bien que le Conseil de sécurité est bloqué par le veto des complices du régime syrien, Russie en tête. Je sais que le respect de la légalité internationale, c’est-à-dire l’autorisation dudit Conseil préalablement à tout emploi de la force, est un principe de base de notre diplomatie. Mais il n’est pas besoin d’invoquer Antigone pour se souvenir qu’il existe des lois non écrites qui l’emportent sur le droit positif », a-t-il fait valoir.

S’affranchir des blocages aux Nations unies est une option, selon le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague. « Est-il possible de répondre à l’usage d’armes chimiques sans unité complète au Conseil de sécurité de l’ONU? Je dirais que oui », a-t-il affirmé à la BBC, tout en refusant de « spéculer » sur le mode d’action qui sera retenu.

En attendant, le président Syrien, qui a qualifié d' »insensées » les accusations portées contre son régime au sujet de l’attaque chimiquye de la semaine passée, a mis en garde contre une intervention occidentale dans son pays. « Les déclarations faites par des hommes politiques aux Etats-Unis et en Occident sont une insulte au bon sens », a-t-il confié au quotidien Izvestia. « Les Etats-Unis essuieront un échec comme lors de toutes les guerres précédentes qu’ils ont lancées à commencer par le Vietnam », a-t-il prévenu.

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