Le secrétaire général des Nations unies critique le recours aux drones armés

En novembre 2002, Abu Ali al-Harithi est entré dans l’histoire, si l’on peut dire, pour avoir été le premier responsable d’al-Qaïda neutralisé par un missile Hellfire tiré par un drone américain de type Predator, au Yémen.

Depuis, les Etats-Unis ont multiplié les raids de ce type contre les responsables de la nébuleuse terroriste, en particulier dans les zones tribales pakistanaises. Cette tendance s’est notamment accentuée avec l’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche, en 2008.

Les drones américains ont ainsi été impliqués dans plus 300 opérations ciblées, lesquelles ont fait au moins 2.000 tués, en très grande majorité des jihadistes, dont de haut-dirigeants d’al-Qaïda.

Et, désormais, c’est au Yémen que les Predator et autres Reaper sont le plus fréquemment utilisés. Ces derniers jours, ils ont ainsi permis de neutraliser une trentaines de combattants d’al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), qui projetait de réaliser une séries d’attaques d’envergure dans ce pays. Cette structure est sans doute la plus dangereuse des « franchises » de l’organisation terroriste fondée par Oussama ben Laden car elle est la plus entreprenante et la plus novatrice.

Combien de complots terroristes ont pu être déjoués grâce aux drones armés? Il est difficile de le dire mais l’on doit sûrement le savoir du côté de Langley, où est situé le quartier général de la CIA.

Cependant, le recours aux drones armés pose des problèmes d’éthiques et de morale à certains. Un débat sur ce sujet est en cours aux Etats-Unis, notamment après l’élimination de l’imam Anwar al-Awlaqi, un responsable en vue d’AQPA né au Nouveau Mexique.

La question étant de savoir s’il était légal ou pas de tuer un ressortissant américain, même au nom de la lutte contre le terrorisme. En tout cas, d’un point de vue strictement opérationnel, l’élimination d’al-Awlaqi pouvait se justifier pour sa participation à plusieurs complots ayant visé les Etats-Unis. Et si ces derniers échouèrent, parfois de peu, rien ne l’aurait évidemment empêché d’en fomenter un autre qui aurait pu réussir…

Plus généralement, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a critiqué le recours aux drones armés, ce 13 août, à l’occasion d’un déplacement au Pakistan. « Laissez-moi être clair. Le seul objectif de ces nouveaux outils, comme les avions sans pilote et sans arme, est de (collecter) de l’information. Ce sont essentiellement des caméras volantes », a-t-il affirmé, devant un parterre de militaires pakistanais.

« L’usage des drones armés, comme celui de toute autre arme, devrait être soumis au droit international, incluant le droit humanitaire international. C’est là une position très claire des Nations unies. Tous les efforts devraient être mis en oeuvre pour empêcher les erreurs et les victimes civiles », a-t-il ajouté, avant d’être applaudi par les officiers réunis à Université nationale pour les sciences et les technologies, d’Islamabad.

Cette question n’est pas nouvelle. Dès 2009, Philip Alston, alors rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, avait estimé que les frappes ciblées réalisées au moyen de drones armées constituaient « une violation du droit international. » Et d’ajouter : « Ma préoccupation est que ces drones sont utilisés selon un mode opératoire qui pourrait bien constituer une violation du droit international humanitaire et des droits de l’homme. »

Quelques mois plus tard, lors d’une audition devant le Congrès, le professeur de droit Kenneth Anderson avait déploré le « manque de base légale des attaques de drones de la CIA » et l’absence de justifications juridiques pouvait entraîner l’ouverture de poursuite contre des responsables américains pour « crime de guerre ». Rien que ça.

Si un drone armé survole un pays donné pour éliminer un terroriste, nul doute que cette opération serait illégale et constituerait un motif sérieux de fâcherie puisque la souveraineté dudit pays aura été violée. Seulement, à ce jour, ni le Pakistan, ni le Yémen n’ont porté plainte devant les Nations unies pour demander des comptes aux Etats-Unis. Ce qui veut dire que des accords, secrets ou pas, ont été passés pour permettre justement ce type d’opérations.

Pour le cas du Pakistan, les drones américains ont opéré, jusqu’à une date récente depuis la base de Shamsi, située dans le Balouchistan. Et les autorités pakistanaises, même si elles ne l’ont pas crié sur les toits, ont dû bien être satisfaites quand un drone américain a éliminé Baïtullah Mehsud, alors chef du mouvement taleb pakisnais, en août 2009. Quant au Yémen, les Etats-Unis lui apportent un soutien militaire, qu’il soit financier ou plus opérationnel. Et ce soutien s’est notamment amplifié depuis 4 ans.

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