Le ministre de la Défense fait une mise au point sur l’affaire du Bugaled Breizh

Le chalutier breton Bugaled Breizh a fait naufrage le 15 janvier 2004, au large du cap Lizard, avec 5 marins à bord. Que s’est-il passé? S’agit-il d’un accident de pêche ou bien d’un incident impliquant un autre navire, probablement un sous-marin?

Pour les familles des victimes, la seconde piste reste la plus probable. Et cela d’autant plus que des exercices de l’Otan se tenait à proximité de la dernière position du Bugaled Breizh.

Même si le rapport du BEA avait conclu, en 2006, à l’accrochage d’un banc de sable par le train de pêche du chalutier, plusieurs hypothèses ont été avancées au sujet de l’identité du sous-marin prétendument impliqué dans ce drame mais seulement deux restent encore privilégiées par les avocats des parties civiles, à savoir celle impliquant le HMS Turbulent, un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) de la Royal Navy, et une autre suspectant un navire du même type, mais américain cette fois.

L’hypothèse d’un accrochage avec un sous-marin avait été évoquée dans un premier rapport rendu par l’amiral (2S) Dominique Salles, un sous-marinier de formation. En outre, un tel accident s’était déjà produit avant le naufrage du Bugaled Breizh. Par conséquent, une telle piste n’avait rien d’improbable .

Sauf que, le 25 janvier dernier, les conclusions de deux nouvelles expertises ont été communiquées aux parties civiles par le procureur de Nantes. Et elles ont écarté l’hypothèse d’un accrochage avec un sous-marin.

« Au terme de ce rapport, qui vient d’être déposé, les experts ont pu affirmer que l’élément titane retrouvé dans des proportions infimes sur les funes du Bugaled Breizh n’étaient pas significatives de l’implication d’un sous-marin », avait alors expliqué le Parquet. Quant à la second étude, elle confirmait que le HMS Turbulent était bien à quai au moment des faits.

Seulement, et alors que l’on va vers un non-lieu dans cette affaire – les juges en charge du dossier ont signifié aux parties civiles un avis de fin d’instruction en juillet -, le quotidien Libération a évoqué le naufrage du Bugaled Breizh dans son édition du 9 août en insistant sur des « détails troublants » concernant le HMS Turbulent. A cette occasion, le journal a interrogé Thierry Lemétayer, le fils d’un des marins bretons disparus il y a maintenant plus de 9 ans. Et ce dernier n’a pas été avare de reproches adressés au ministère de la Défense ainsi qu’à son actuel titulaire, Jean-Yves Le Drian.

« Le ministère de la Défense a toujours refusé la déclassification des journaux de bord de plusieurs bâtiments militaires susceptibles d’avoir entendu des choses. Ils ont seulement communiqué des positions mais se sont parfois emmêlés les pinceaux. Un jour, ils ont indiqué une position pour le Rubis (SNA de la Marine nationale, un temps suspecté d’être impliqué dans le naufrage) mais sur la carte, elle correspondait au marais poitevin! », a ainsi affirmé Thierry Lemétayer.

Et Jean-Yves Le Drian en a pris aussi pour son grade. « On le savait introduit dans la Marine nationale, eu égard à son ancrage morbihanais, mais on ne pensait pas qu’il jouerait l’obstruction à ce point. Je crois que l’on paye un certain tribut qu’il doit à la marine. Un ministre a besoin de l’adhésion de ses troupes et c’est nous qui payons le prix (…) Il n’a même pas daigné recevoir les parties civiles, ne serait-ce que pour la forme. Le pire, c’est qu’il a affirmé le contraire (…) Il n’a peur de rien. Avec lui, on se sent coupable. Coupable d’exiger la vérité sur nos parents disparus », a accusé le fils du marin du Bugaled Breizh.

Aussi, le ministre a réagi au quart de tour. Dans une mise au point publiée sur le site du ministère de la Défense, Jean-Yves Le Drian fait savoir qu’il ne peut « accepter la tonalité du dossier paru le 9 août 2013 dans Libération. » et souligne avec « la plus grande fermeté, que « tout a été fait depuis l’ouverture de l’enquête judiciaire pour faire émerger la vérité et nous continuerons à le faire, en toute transparence. »

Depuis 2004, a rappelé M. Le Drian, le ministère de la Défense « a systématiquement répondu favorablement aux demandes des différents juges au cours de leur enquête. » Quant à la transmission de documents « secret défense », l’Hôtel de Brienne a toujours suivi les avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), laquelle a opposé un refus à une seule reprise, considérant que communiquer les positions des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) pouvait porter atteinte à la dissuasion nucléaire.

Parmi les autres documents, a ajouté le ministre, figurent notamment « les journaux de navigation du sous-marin nucléaire d’attaque Rubis, qui sont donc aux mains de la justice contrairement à ce que prétendent certains. »

Ce qui contredit Libération, selon qui « le ministère de la Défense refuse toujours à ce jour de déclassifier l’intégralité des journaux de bord des navires de bord des navires ayant pu enregistrer des informations sensibles sur les évènements » ayant eu lieu ce 15 janvier 2004. Comme l’a rappelé M. Le Drian, c’est à la CCSDN, si elle est saisie, de donner un avis sur cette question, avis qu’il décidera de suivre ou non. Or pour l’instant, et à notre connaissance, il n’a pas eu à se prononcer.

Cela étant, au lieu de se focaliser sur la position des sous-marins, les conseils des parties civiles auraient sans doute mieux fait de s’intéresser, dès le début, à l’activité d’autres bâtiments de la marine présents dans la zone, comme par exemple celle d’une frégate anti-sous-marine (FASM), qui devait être nécessairement engagée pour surveiller un exercice impliquant des submersibles.

« En tant que Breton, j’ai reçu les familles quand elles me l’ont demandé, notamment lorsque j’étais président de la région Bretagne. Depuis que je suis ministre de la Défense, j’ai été sollicité à plusieurs reprises par des élus. J’ai répondu à chacun d’entre eux en leur fournissant tous les éléments d’information qu’ils me demandaient. Il est évident que si les familles me sollicitent, ce qui n’est pas le cas à cejour, je les recevrai aussi », a par ailleurs fait valoir M. Le Drian.

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