M. Le Drian avance des propositions pour relancer l’Europe de la défense

L’on ne compte plus les rapports parlementaires, les résolutions, les déclaration des uns et des autres, les conférence, les tables rondes, les colloques visant à répondre à cette question : comment relancer la défense européenne? Il n’est pas certain que ce sujet fasse autant l’objet d’attention ailleurs qu’en France…

Le 11 juillet dernier, une nouvelle conférence, ayant justement pour thème la relance de cette Europe de la défense, a été organisée à l’Assemblée nationale, avec la présence des ministres des Affaires étrangères et de la Défense, MM. Laurent Fabius et Jean-Yves Le Drian, et de Michel Barnier, le commissaire européen pour le Marché intérieur. Cet évènement a permis d’avancer quelques pistes en vue du sommet européen dédié à ces questions qui se tiendra, pour la première fois depuis 2003, en décembre prochain.

Tout d’abord, le patron du Quai d’Orsay a dressé la liste des défis que le Vieux Continent aura à relever dans les prochaines années, afin de mieux justifier la nécessité d’une Europe de la Défense. Et de citer, la « politique de puissance et de souveraineté de la Russie », « l’affirmation économique » et militaire de la Chine et d’autres pays asiatiques, le tout sur fond de différends territoriaux, le « développement des crises dans le voisinage immédiat de l’Europe » (Méditerranée, fragilités d’ex-Etats de l’URSS), le danger des Etats faillis en Afrique, la prolifération nucléaire, la cyberguerre ou encore le terrorisme.

Dans ce contexte, quelles propositions la France entend-elle faire pour que l’Europe de la Défense avance, alors que de nombreux Etats européens s’en remettent quasi exclusivement à l’Otan? Le ministre de la Défense s’est risqué à en donner plusieurs. Certaines ne sont pas nouvelles, d’autres sont plus attendues.

Plus généralement, M. Le Drian veut d’abord des mesures concrètes prises par un noyau dur de deux, trois, voire davantage d’Etats membres de l’UE. Cela afin de constituer « des briques qui contribueront à créer la maison » de la défense européenne.

La première idée émise par le ministre est tirée de l’expérience malienne. Soulignant que les partenaires de la France, notamment britanniques, allemands, espagnols, danois et suédois, ont assuré « un peu plus de 30% du transport » des forces françaises, M. Le Drian a proposé d’organiser une mutualisation des avions de transport militaire  ainsi que celle des avions ravitailleurs, entre pays qui le souhaitent. « Ca permet à chacun de garder son autonomie mais ça permet aussi à tous d’avoir des droits de tirage sur des pools organisés », a-t-il expliqué.

Seulement, la mutualisation des avions de transport existe déjà, avec le Commandement européen du transport aérien (European Air Transport Command, EATC), qui regroupe la France, l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas et à la tête duquel se trouve un officier français, le général (air) Pascal Valentin. Quant au ravitaillement en vol, une initiative a été prise dès mars 2012, avec la décision des ministres europées de la Défense de « développer et de mutualiser leurs moyens » en la matière, sous l’égide de l’Agence européenne de défense (AED).

En revanche, aucune initiative n’a été encore lancée à ce jour dans le domaine des drones. Là, M. Le Drian a émis l’idée de former un « club des utilisateurs » des appareils que « nous sommes en train d’acquérir ». Et d’ajouter : « Faisons en sorte aussi qu’au-delà, on constitue une filière européenne du drone d’observation de nouvelle génération. »

Le problème est qu’il faudrait que les pays concernés aient tous le même type de drones. Si la France a fait le choix du MQ-9 Reaper américain, comme le Royaume-Uni et l’Italie, il reste à attendre la décision polonaise, néerlandaise et surtout allemande. Or, Berlin pencherait plutôt, semble-t-il, vers le Heron TP israélien, qui avait été retenu par le prédécesseur de M. Le Drian.

Une autre idée avancée par le ministre français est simplifier « les procédures de gestion de crise » au sein de l’UE. « Aujourd’hui, 22 pays européens contribuent à la reconstitution et la formation de l’armée malienne. Mais la décision avait été prise à l’unanimité en septembre dernier alors que le premier instructeur est arrivé au Mali en avril », a-t-il constaté. En outre, il a proposé l’idée de doter le service diplomatique de l’UE d’une « véritable autonomie financière », afin de lui permettre de réagir plus rapidement.

Par ailleurs, M. Le Drian fait la proposition d’organiser dans les Balkans un « exercice d’état-major projeté de battlegroups », ces groupements tactiques européens de 1.500 à 2.00 hommes qui n’ont jamais été déployés depuis leur mise en place, alors que certains ont estimé que l’affaire malienne aurait été l’occasion idéale pour cela.

Enfin, une dernière proposition viserait à discuter d’un « ciel unique européen » pour l’aviation militaire, étant donné qu’actuellement, chaque espace aérien national a ses règles propres en la matière. Cette mesure permettrait par exemple de faciliter la certification des nouveaux aéronefs.

La question est de savoir quand elle sera mise en application…. Le projet de Ciel unique européen a ainsi été lancé en 1999. Et sa réalisation marque actuellement le pas. Qui plus est, d’où la proposition du ministre, il ne prend pas en compte l’aviation militaire car il est estimé que cette dernière appartient à la compétence exclusive des Etats, alors que les interactions entre le civil et le militaire sont permanentes.

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