Egypte : Sissi Imperator

Dans la foulée de la chute du régime d’Hosni Moubarak, le pouvoir fut provisoirement confié à un ancien proche du raïs déchu, à savoir le maréchal Tantaoui, qui était alors le chef du Conseil suprême des forces armées (CSFA).

A l’issue de cette période de transition, Mohamed Morsi, le chef du Parti de la liberté et de la justice, c’est à dire la vitrine politique des Frères musulmans, fut élu président de la République arabe d’Egypte en juin 2012

A son arrivée au pouvoir, Mohamed Morsi s’engagea dans une politique étrangère se voulant équilibrée, notamment en ne remettant pas en cause le traité de paix avec Israël, tout en se rapprochant de l’Iran en soutenant la rébellion syrienne. Mais surtout, il tenta de se concilier les bonnes grâces de l’armée, laquelle a toujours occupé une place centrale dans le pays et jouit, à ce titre, de nombreux privilèges.

Sauf que, quelques semaines plus tard, Mohamed Morsi destitua le maréchal Tantaoui de ses fonctions de ministre de la Défense pour le remplacer par le général Abdel Fattah al-Sissi, réputé alors comme étant un pieux musulman et dont un de ses oncles,  Abbas al-Sissi, était une figure importante de la confrérie.

Ancien chef des services de renseignement égyptiens, ce qui laisse supposer qu’il est au courant de beaucoup de choses au sujet de la confrérie islamiste, le général al-Sissi, 59 ans, est sorti diplômé en sciences militaires de l’académie militaire égyptienne en 1977. Officier d’infanterie, il a également suivi des formations au Royaume-Uni, en 1992, puis aux Etats-Unis, en 2006.

Mais en nommant le général Sissi au ministère de la Défense, le président Morsi commit sans doute sa plus grosse erreur de calcul. Car ses bonnes résolutions prises au début de son mandat firent long-feu. Ainsi, le président Morsi se replia sur son camp, donnant ainsi l’impression d’être au pouvoir pour assurer les intérêts des Frères musulmans. En novembre 2012, un projet constitutionnel, lui donnant la possibilité de légiférer par décret et ouvrant la voie à des interprétations rigoristes de l’Islam fut dévoilé. Devant les protestations suscitées par sa teneur, le texte fut soumis à un réferendum et… approuvé.

Or, cette déclaration constitutionnelle n’était pas du goût des militaires. Qu’allait donc faire le général al-Sissi? S’il est vrai que cet officier est un homme pieux, il est aussi un fervent admirateur de Gamal Abdel Nasser, soucieux de maintenir la place de l’armée ainsi que la stabilité du pays et la relation privilégiée de ce dernier avec les Etats-Unis, principal bailleur de fonds des militaires égyptiens, avec 1,3 milliards de dollars d’aides versées chaque année depuis les accords de pays entre l’Egypte et Israël de 1979.

Dans un premier temps, le général Sissi essaya donc de promouvoir un consensus national autour de cette déclaration constitutionnelle. Sans succès puisque les Frères musulmans se montrèrent inflexibles.

Dans le même temps, le président Morsi accumula les erreurs. Dans le domaine diplomatique, il ne fit pas dans la finesse en menaçant implicitement l’Ethiopie pour la construction de son barrage sur le Nil. Comme il en manqua également en s’affichant, il y a 3 semaines, avec des islamistes radicaux ayant appelé au jihad en Syrie.

Sur le plan économique, le président Morsi se montra ainsi incapable d’attirer en Egypte les investisseurs ou encore de relancer l’industrie du tourisme, qui reste l’une des principales sources de devises du pays. Quant à éventuel prêt du Fonds monétaire internationale (FMI), qui aurait donné une bouffée d’oxygène, il est toujours tributaire de réformes qui furent sens cesse reportée.

Cet enchaînement d’erreurs aura donc été à la source d’une contestation populaire d’une immense ampleur. Soit l’occasion pour le général al-Sissi de reprendre les choses en main. Le 2 juillet, l’armée a donc adressé un ultimatum de 48 heures au président Morsi lui intimant de « satisfaire les demandes du peuple », et donc de quitter le pouvoir. Ce que ce dernier a bien entendu refusé de faire.

Du coup, à l’échéance de l’ultimatum, l’armée a destitué le président Morsi, le 3 juillet, pour le remplacer par Adly Mansour, le président du Conseil constitutionnel, jusqu’à la tenue d’une nouvelle élection présidentielle. En outre, la Constitution contreversée a été suspendue. Voilà donc ce qu’a annoncé, lors d’une allocution télévisée, le général al-Sissi, devenu l’homme fort de l’Egypte. Du moins pour le moment.

Selon le journal gouvernemental Al-Ahram, 300 mandats d’arrêt ont été lancés contre des membres des Frères musulmans. Quant au président déchu, il a dans un premier temps été placé en résidence surveillée et il lui est interdit de quitter le territoire égyptien.

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