L’amiral Guillaud est favorable à des équipes de protection privées à bord des navires civils

En février 2012, un rapport rédigé par les désormais anciens députés Jean-Claude Viollet et Christian Ménard, plaidait pour organiser un secteur des sociétés militaires privées en France. Et cela afin de ne pas laisser le champ libre aux entreprises anglo-saxonnes, qui, spécialisées dans le secteur de la sécurité privée, se partagent un marché évalué entre 200 et 400 milliards de dollards.

En outre, autoriser des SMP françaises – ou Entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD) – permettrait de faciliter la reconversion d’anciens militaires tout en leur déléguant la sécurité d’entreprises stratégiques ou de représentations diplomatiques françaises. Une autre niche serait également la protection des navires commerciaux ou de pêche battant pavillon français. Ce qui n’est pas permis avec la législation en vigueur.

Seulement, les SMP ont mauvaise presse. A cause des agissements de certaines, qui ont défrayé la chronique ces dernières années. Et puis aussi en raison du mercenariat, notamment en France où, ce type d’activité a été « criminalisé » pour les citoyens, les résidants permanents et les entités légales françaises avec une loi votée en 2003.

« Les problèmes d’éthique n’invalident pas l’intérêt des SMP. En l’occurrence, les difficultés viennent surtout d’un manque de contrôle et de règles d’engagement particulièrement libérales, qui sont également reprochées aux forces régulières américaines et reproduites, voire amplifiées, par des prestataires privés pas toujours sérieux », estimait le rapport.

« Il ne peut y avoir en France de société militaire privée, et j’emploie le mot militaire à dessein », puisque cela est « du ressort exclusif de l’Etat », avait commenté, à l’époque, Gérard Gachet, qui était alors porte-parole du ministère de la Défense.

Depuis, le dossier n’a connu aucune évolution. L’on pouvait penser que le dernier Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (LBDSN) allait aborder le sujet : il n’en a rien été. Ce qu’a déploré l’amiral Guillaud, le chef d’état-major des armées (CEMA), lors d’une audition dedevant la commission des Affaires étrangères et de la Défense, le 3 juin dernier.

« Les sociétés militaires privées (SMP) sont un sujet qui m’exaspère. Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage, et pour des raisons d’angélisme idéologique, malgré des rapports sur la situation, nous n’avons pas avancé », s’est emporté l’amiral Guillaud.

Ainsi, pour le CEMA, il faudrait « encore travailler sur la question des SMP à terre car celles-ci posent des problèmes de droit international ». En revanche, toujours selon l’amiral Guillaud, la situation est nettement moins compliquée pour les équipes de protection privées susceptible d’être embarquées à bord de navires commerciaux.

« Le droit à la mer est simple, dès lors que vous êtes sorti des eaux territoriales, le droit applicable est celui du pavillon, quelle que soit la nationalité de l’équipage, de l’affréteur, ou du propriétaire de la cargaison! », a-t-il expliqué.

Et le problème qui se pose est que les armateurs, comme ils ne peuvent pas avoir recours à des SMP, menacent de changer de pavillon. Ce qu’a confirmé le sénateur Jean-Claude Peyronnet et l’amiral Guillaud.

« Le risque, si nous n’agissons pas, outre le fait de voir nos anciens militaires employés par des SMP étrangères, est surtout que des armateurs sont prêts à se dépavillonner, avec les conséquences économiques qui en résulteraient! Il est contre-productif de faire l’amalgame avec une SMP qu’on emmènerait lors d’une OPEX faire de la protection », a fait valoir le CEMA. « . Il est nécessaire de régler ceci par une loi. Le vrai problème est que ça réveille une peur du mercenariat, alors même que ça n’a rien à voir! », a-t-il insisté.

Par ailleurs, et pour en revenir aux « SMP à terre », pour reprendre l’expression de l’amiral Guillaud, le général Ract-Madoux, chef d’état-major de l’armée de Terre, en a touché deux mots lors de son audition devant la même commission, une semaine plus tard.

« Au sujet des ESSD, leur emploi dans le domaine de la logistique et strictement limité hors des zones de combat me semble possible. Inversement, j’émets de sérieuses réserves à leur engagement au coeur des opérations », a-t-il ainsi affirmé.

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