Des militaires du rang logés dans des « locaux à peine décents »

Lors d’une audition devant la commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat, le général Ract-Madoux n’a pas caché ses craintes que pourrait avoir la prochaine Loi de Programmation Militaire sur le moral des personnels de l’armée de Terre, et cela après l’application d’un succession de réformes pour le moins difficiles.

« En l’espace de onze ans (2008 à 2019), 57 000 hommes et femmes de l’armée de Terre auront été touchés par les réformes, se traduisant par 35 000 suppressions de postes et 22 000 transferts » et « subi de profondes transformations, sous l’impulsion de deux Livres blancs et de nombreuses réformes visant à rationaliser les politiques publiques », a ainsi rappelé, le 12 juin, le chef d’état-major (CEMAT) aux sénateurs, en soulignant que le personnel « comprend encore les enjeux liés à ces changements » et qu’il « les exécute avec une loyauté et une constance remarquables qui méritent d’être reconnues.

Alors qu’il est prévu, dans le cadre de la prochaine LPM, de réduire les effectifs des forces armées de 24.000 hommes, en plus des 10.000 autres suppressions de poste qu’il reste à effectuer, le général Ract-Madoux a tenu également à faire savoir que la « communauté militaire ne masque pas ses préoccupations sur les conséquences de cette nouvelle adaptation capacitaire et sur les risques que fait peser un niveau de ressources contraint sur les conditions d’exercice du métier et sur la condition militaire. »

Et de préciser que les « inquiétudes les plus vives agitent la communauté militaire quant à des recherches d’économies tous azimuts se traduisant par des menaces sur l’avancement, les rémunérations, les indemnités et les compensations pour charge de service. »

Aussi, pour le CEMAT, il est « crucial de conserver la confiance des hommes et des femmes de l’armée de Terre afin de limiter à son plus bas niveau le risque d’un rejet de la réforme », en maintenant un « niveau de ressources strictement nécessaire à l’exercice de leur métier afin que soit assurée la juste satisfaction professionnelle qu’ils méritent. » Car, selon lui, le « sujet de la condition du personnel et du moral me semble porter des risques maximum pour l’avenir. »

Cela étant, rien n’est acquis dans ce domaine. « La question de l’avancement est préoccupante car nous devons faire face à une contraction sévère des tableaux d’avancements. La réduction du format, l’allongement de la durée de service et le principe du contingentement par grade accentueront le phénomène avec les effets que l’on peut imaginer sur le moral. C’est une situation difficile à gérer et la mise en oeuvre sera très sensible », a prévenu le général Ract-Madoux.

Et un autre facteur susceptible de jouer sur le moral est le cadre de vie des militaires, c’est à dire l’état de leurs casernes et, plus généralement des infrastructures, dont la rénovation a fait les frais des contraintes budgétaires au cours de ces dernières années.

« En l’état actuel, la future LPM sera celle d’un renoncement d’une ampleur telle qu’il ne permettra pas de compenser le sous-entretien chronique résultant des exercices précédents et conduira à une dégradation progressive des conditions de vie et de préparation opérationnelle », a expliqué le général Ract-Madoux.

En clair, les casernes auraient besoin d’être rénovées, ce qui, vu les budgets contraints, n’est pas possible de faire. Et l’armée de Terre prévoit de reporter des travaux d’infrastructures pourtant inscrits dans le plan Vivien de réhabilitation de l’hébergement, lancé il y a… 15 ans. « Ce retard concerne la moitié de nos régiments et oblige à maintenir certains de nos militaires du rang dans des locaux à peine décents », a affirmé le général Ract-Madoux.

Le même problème se pose pour les infrastructures dédiées au tir, dont « l’objectif consiste à améliorer la qualité de la préparation opérationnelle dans un domaine aussi crucial que celui du tir au combat. » Leur adaptation, a avancé le CEMAT, « ne pourra pas suivre le rythme que voulait imprimer l’armée de Terre alors qu’environ 30 millions d’euros suffiraient » pour l’achever. « L’enveloppe infrastructures a diminué de moitié en un an », a-t-il rappelé.

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