Dassault Aviation, EADS Cassidian et Finmeccanica prêts à s’unir pour un drone MALE européen

Quand le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, justifie le choix d’acquérir des drones MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) MQ-9 Reaper de facture américaine en déplorant que les industriels n’ont pas su coopérer dans ce domaine, il a à la fois tort et raison.

Tort parce qu’avant son arrivée à l’Hôtel de Brienne, il y avait un projet commun à BAE Systems et Dassault Aviation visant à développer le drone MALE Telemos, et cela dans le cadre des accords de Lancaster House de novembre 2010 passés entre la France et le Royaume-Uni. Seulement, ce projet, qui devait être lancé en juillet 2012, ne l’a pas été, faute de volonté politique ou de budgets… Aucun motif n’a été donné pour expliquer cet abandon.

Cela dit, même si le développement de cet appareil avait été mis sur les rails, il n’aurait de toute façon pas été prêt à temps pour répondre aux besoins urgents de l’armée de l’Air. Le ministre a donc aussi raison car les rivalités entre les industriels ont empêché l’émergence d’un drone MALE européen. Ainsi, Dassault Aviation et EADS n’ont jamais réussi à s’entendre dans ce domaine.

Le dernier exemple en date est encore celui du Telemos. Considérant avoir déjà consenti d’importants investissements pour la mise au point de son propre appareil, le Talarion, le EADS n’avait pas souhaité rejoindre le programme Telemos, où il aurait dû jouer les seconds rôles.

D’où la crainte de revoir les mêmes erreurs commises pour le Rafale et l’Eurofighter au début des années 1980, c’est à dire la production de deux avions de combat pour un même marché. Une crainte finalement sans fondement puisque le Talarion a été abandonné et le Telemos s’est perdu entre Londres et Paris.

Quoi qu’il en soit, la pique de Jean-Yves Le Drian à l’endroit des industriels européens a fait mouche. Et c’est à leur tour de mettre les politiques en face de leurs responsabilités. Dans un communiqué commun diffusé le 16 juin, EADS Cassidian, Dassault Aviation et Finmeccanica se sont dits prêts « à se coordonner autour » d’un programme de drone MALE qui « répondrait aux besoins en matière de sécurité de nos gouvernements et de nos forces armées en Europe », ce qui leur permettrait de rattraper le retard pris dans son domaine par rapport aux industriels américains et israéliens. A noter que BAE Systems ne fait pas partie des signataires.

« Partageant une même vue sur la situation actuelle des drones MALE en Europe, EADS Cassidian, Dassault Aviation et Finmeccanica Alenia Aermacchi appellent au lancement d’un programme MALE européen », ont en effet écrit les trois industriels dans leur communiqué commun.

« Le développement d’un tel système permettrait, dès le stade de la conception, de tenir compte des besoins critiques en matière de certification des drones, et donc de les utiliser en toute sécurité dans l’espace aérien européen », expliquent-ils, en faisant implicitement référence aux déboires du ministère allemand de la Défense avec le drone Euro Hawk ainsi qu’aux difficultés auxquelles il faut s’attendre pour que Washington autorise l’accès au code source des drones Reaper que la France entend commander afin de les adapter aux exigences de l’armée de l’Air.

« La souveraineté et l’indépendance européenne en matière de gestion de l’information et du renseignement seraient garanties, tout en offrant un système robuste, capable de résister aux cyber-attaques », insistent-ils, en faisant par ailleurs valoir que « ce programme serait orienté vers le développement de hautes technologies, de manière à stimuler des compétences clés et des emplois de haute valeur en Europe. »

Cela étant, l’on peut avoir quelques doutes sur la création d’une filière « drones MALE » en europe. Tout d’abord parce que le marché est restreint – M. Le Drian l’a estimé entre 30 et 40 appareils – et que les exportations possibles sont hypothétiques, tant les industriels américains, israéliens et voire même chinois, ont pris beaucoup d’avance. Une avance qu’ils s’évertueront à garder. D’autre part, il faudrait les financements nécessaires. Or, pour l’instant, les pays intéressés par cette capacité ont investi – ou le feront – dans l’achat de Reaper et de Predator fabriqués outre-Atlantique.

Cependant, le patron d’EADS, Tom Enders, estime que la technologie des drones militaires peut avoir des retombées pour l’aéronautique civile. Ce qui explique une partie de la démarche des trois industriels. Une autre raison est qu’un tel programme permettrait de maintenir l’activité de leurs bureaux d’études, dans l’optique du remplacement à prévoir des Rafale (Dassault) et des Eurofighter (EADS, Finmeccanica). « L’Europe a perdu au moins dix ans » dans ce domaine », a déploré, la semaine passée, M. Enders. « Et plus ça dure, plus les Américains et les Israéliens domineront », a-t-il ajouté.

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