Deux rapports font état de violations des droits de l’homme au Mali

Alors que l’armée malienne a lancé une offensive contre les rebelles touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) pour reprendre le contrôle de la région de Kidal, deux organisations non gouvernementales (ONG), à savoir Human Rights Watch (HRW) et Amnesty International ont remis, le 7 juin, chacune un rapport dénonçant les violations des droits de l’hommes commises au Mali depuis le lancement de l’opération française Serval, laquelle a permis de chasser les groupes jihadistes qui s’étaient installés dans le nord du pays.

Et leurs conclusions sont sans appel. Dans l’étude publiée par HRW, aussi bien le MNLA que l’armée malienne sont accusés d’être responsables d’exactions. L’ONG confirme ainsi les informations parues cette semaine, selon lesquelles les rebelles touaregs ont arrêté arbitrairement des centaines de personnes à Kidal, leur bastion, au seul motif de la couleur de leur peau.

« Les 1er et 2 juin, les forces du Mouvement national touareg pour la libération de l’Azawad (MNLA),qui contrôlent toujours certaines zones de la région de Kidal, ontarrêté arbitrairement une centaine de personnes, dont la plupart étaient des hommes à la peau plus sombre appartenant à des groupes ethniques non touaregs. Des témoins ont affirmé à Human Rights Watch que les forces du MNLA avaient dévalisé, menacé et, dans de nombreux cas, violemment brutalisé ces hommes », peut-on lire dans le document, lequel recense de nombreux témoignages d’agressions racistes à l’endroit des individus de couleur noire.

De son côté, l’armée malienne n’est pas exempte de tout reproche. « Depuis le début du mois de mai, les militaires maliens ont commis de graves exactions, notamment des tortures, contre au moins 24 hommes, rebelles présumés ou simples villageois, dans la région de Mopti, selon des récits de témoins et de victimes recueillis par Human Rights Watch. La majorité de ces personnes étaient des Touaregs ou des Bellahs, une caste touarègue », écrit l’ONG.

Aussi, la reprise des combats à Anefis, près de Kidal, entre l’armée malienne et le MNLA laisse craindre le pire. « Les exactions commises récemment par les deux camps (…) mettent en évidence la nécessité urgente que les militaires maliens et les combattants rebelles respectent les lois de la guerre, minimisent les dommages subis par les civils et s’assurent que les prisonniers soient traités humainement. Les civils des deux côtés de la fracture ethnique ont déjà suffisamment souffert », a estimé Corinne Dufka, chercheuse senior sur l’Afrique de l’Ouest.

Le rapport d’Amnesty International va dans le même sens. Il accuse ainsi les combattants du MNLA de s’être livrés à des « abus sexuel » contre des femmes et de jeunes filles et d’enrôler des enfants soldats. Les groupes jihadistes ne sont pas en reste. Le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), déjà responsable de plusieurs attentats suicides au Mali, a recours aux même expédients que les rebelles touareg, en plus de commettre des « exécutions sommaires » et des « enlèvements » civils accusés de « collaboration » avec les forces françaises de l’opération Serval et l’armée malienne.

Cette dernière n’est pas épargnée par le rapport, qui affirme que « des civils font partie des dizaines de personnes tuées, torturées et disparues, y compris en détention, depuis le lancement de l’intervention de l’armée française il y a cinq mois. »

« Le bilan des forces de sécurité maliennes en matière de droits de l’homme est simplement terrible. Elles continuent à violer les droits de l’homme, sans crainte apparente d’en être tenues responsables », a commenté  Gaëtan Mootoo, suite à une récente mission au Mali.

Et l’organisation de s’inquiéter du sort des suspects remis aux autorités maliennes par l’armée française et les forces panafricaines de la MISMA « alors qu’elles savaient, ou auraient dû savoir, que ces prisonniers risquaient d’être torturés ou maltraités. » En outre, Amnesty assure que des militaires français ont été parfois témoins de mauvais traitements infligés par leurs homologues maliens aux personnes arrêtées. « Ce sont des allégations de détenus que nous prenons pour ce qu’elles sont, mais qui méritent d’être vérifiées », a indiqué Salvatore Saguès, responsable au département Afrique d’Amnesty international, à RFI.

En réalité, les personnes capturées par l’armée française sont remises à la gendarmerie malienne. Comme l’a rappelé le colonel Burkhard, le porte-parole de l’Etat-major des armées, « la France a signé un accord avec l’armée malienne qui encadre de manière très précise la remise des prisonniers faits par les armées françaises dans le cadre de l’opération Serval aux autorités maliennes. »

Ainsi, chaque personne capturée par les forces françaises fait l’objet de visites régulières pour s’assurer de ses conditions de détention et de son état de santé. Tous les mois, elles ont un entretien individuel avec un officier français, accompagné par un gendarme. D’après le colonel Burkhard, aucun prisonnier remis par la brigade Serval aux autorités maliennes n’a été victime de mauvais traitement.

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