Armes chimiques : Damas a franchi la ligne rouge selon M. Fabius

Le président américain, Barack Obama, avait fait de l’usage d’armes chimiques une ligne rouge que le régime de Bachar el-Assad ne devait pas franchir sous peine de « conséquences énormes ».

Son homologue français, François Hollande, en avait fait autant, lors de la XXe Conférence des ambassadeurs du 27 août dernier. « Je le dis avec la solennité qui convient : nous restons très vigilants avec nos alliés pour prévenir l’emploi d’armes chimiques par le régime (syrien) qui serait pour la communauté internationale une cause légitime d’intervention directe » avait-il en effet déclaré.

Or, les soupçons sur l’emploi d’armes chimiques en Syrie se sont accumulés ces dernières semaines, au point d’inciter le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, de lancer une commission d’enquête à ce sujet.

En outre, le quotidien « The Times » avait affirmé, en avril, que le département de recherche chimique et biologique du ministère de la défense britannique (MoD) de Porton Down disposait de « preuves solides » que des « des obus chimiques avaient été utilisés de façon sporadique. » Même chose pour le renseignement militaire israélien, qui, n’ayant aucun doute sur ce sujet, a évoqué l’emploi de gaz sarin.

Seulement, que des armes chimiques aient été utilisées est une chose. Savoir par qui avec certitude en est une autre, d’autant plus que le régime de Bachar el-Assad et les rebelles syriens s’accusent mutuellement d’en avoir fait usage. Il est en effet compliqué de faire la part des choses, faute de pouvoir enquêter directement sur le terrain.

Cependant, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a accusé formellement Damas d’avoir utilisé, au moins à une reprise, du gaz sarin contre les rebelles. En clair, la fameuse ligne rouge fixée l’été dernier aurait donc été franchie.

« Nous n’avons aucun doute sur le fait que les gaz ont été utilisés (…). La conclusion du laboratoire est claire : il y a du gaz sarin », a ainsi affirmé le chef de la diplomatie française, sur la chaîne publique France 2, le 4 juin, en évoquant des échantillons transmis par des journalistes du quotidien Le Monde, mais aussi par une autre source que le ministre n’a pas précisée.

« Dans le deuxième cas, il ne fait aucun doute que c’est le régime et ses complices puisqu’on a l’intégralité de la chaîne, depuis le moment où l’attaque a lieu, le moment où les gens sont tués, où on a les prélèvements et où on les fait analyser », a poursuivi M. Fabius, en faisant référence à une attaque d’hélicoptères du régime à Saraqeb, dans le nord-ouest syrien, le 29 avril. « Il y a une ligne qui est franchie incontestablement », a-t-il souligné.

« Nous discutons avec nos partenaires de ce qu’il va falloir faire et toutes les options sont sur la table », a encore fait valoir le patron du Quai d’Orsay. « Ou bien on décide de ne pas réagir ou bien on réagit, y compris d’une façon armée, là où est produit, où est stocké le gaz », a-t-il expliqué. Toutefois, « nous n’en sommes pas là », a-t-il nuancé.

Côté britannique, l’on se montre moins catégorique. « Nous sommes certains que le gaz sarin a été utilisé. Nous avons nous-mêmes nos échantillons. Il est très probable que l’utilisateur soit le régime syrien mais ne nous ne sommes pas au stade de dire que c’est définitif. Nous avons reçu des Français les informations que M. Fabius a données aux enquêteurs. C’est maintenant à l’enquête de l’ONU de continuer son travail surtout sur le terrain pour ramasser les preuves », a affirmé, ce 5 juin, sur les ondes d’Europe 1, Peter Ricketts, l’ambassadeur de du Royaume-Uni en France.

Quant à savoir si les rebelles ont pu utiliser des armes chimiques, le diplomate britannique a estimé que ce n’était pas impossible. « On ne peut rien exclure car nous ne sommes pas sur le terrain », a-t-il fait valoir, tout en assurant que la « ligne rouge » avait été « franchie. « C’est très grave », a-t-il assuré mais « nous n’en sommes pas au stade de l’option militaire » car « nous sommes encore au stade de la négociation politique », a-t-il cependant précisé.

Aux Etats-Unis, la prudence est toutefois de mise. « Je noterai que selon les informations françaises (…) davantage de travail reste nécessaire pour établir qui est responsable de l’utilisation (de gaz), quelles quantités ont été utilisées, et recueillir davantage de détails sur les circonstances de leur utilisation », a déclaré Jay Carney, le le porte-parole de la Maison Blanche.

« Comme le président (Obama, ndlr) l’a dit, nous devons augmenter le faisceau des preuves en notre possession (…) avant de prendre une décision, nous devons pouvoir les examiner, nous devons pouvoir les recouper avant de prendre une décision sur la base de la violation très claire que le recours à des produits chimiques représenterait de la part du régime syrien. Nous allons persévérer », a-t-il ajouté.

Enfin, pour la commission d’enquête de l’ONU sur la Syrie, qui a remis un rapport, le 4 juin, « il y a des motifs raisonnables de penser que des quantités limitées de produits chimiques ont été utilisés », notamment lors de 4 évènements (à Khan Al-Assal près d’Alep et à Uteibah près de Damas le 19 mars, dans le quartier de Cheikh Maqsoud à Alep 13 avril et dans la ville de Saraqeb le 29 avril). Mais les enquêteurs indiquent qu’il ne leur pas été « pas permis d’identifier la nature de ces agents chimiques, les systèmes d’armes employées ni qui les a utilisés ».

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