La France ripostera de manière proportionnée dans le cyberespace

En ouverture d’un colloque dédié à la cybersécurité, organisé à l’Ecole des Transmissions, à Rennes, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a précisé, ce 3 juin, les contours de la politique que la France entend mener dans le cyberespace.

On connaît le constat, fait maintenant depuis quelques années : les sociétés modernes dépendent de plus en plus des réseaux informatisés, ce qui les rend vulnérables si ces derniers sont attaqués, que ce soit par des Etats ou des acteurs non-gouvernementaux.

Ainsi, une attaque contre un réseau de téléphonie mobile pourrait avoir de lourdes conséquences quand l’on sait que des liaisons 3G ou des SMS sont utilisés par certains équipements de distribution d’eau. En juillet 2012, une défaillance du logiciel HCR d’Orange avait ainsi paralysé les communications passés via cet opérateur pendant une dizaine d’heures.

« Le constat est simple. L’interconnexion des systèmes d’information qui marque notre société, a généré des vulnérabilités nouvelles, qui n’ont pas été suffisamment accompagnées d’un effort simultané de protection. Les atteintes aux systèmes d’informations résultant d’actes hostiles intentionnels ou de ruptures accidentelles pourraient dès lors engendrer des dysfonctionnements, voire une paralysie de l’Etat ou de secteurs d’importance vitale pour la Nation », a affirmé M. Le Drian, qui a par ailleurs estimé que le cyberespace est devenu « un champ de confrontations à part entière. »

Alors que, selon le ministre, le CALID (Centre d’analyse de lutte informatique défensive) a une activité de plus en plus intense, avec 420 attaques traitées en 2012 contre 196 un an plus tôt, le risque n’est pas tant le déni d’accès ou le cyberespionnage que la recherche de la prise de contrôle à distance ou de destruction d’infrastructures vitales. Aussi, pour M. Le Drian, « c’est désormais l’atteinte aux intérêts stratégiques de l’Etat et à notre autonomie d’appréciation, de décision et d’action par menace cyber (..) qui est un enjeu majeur de défense et de souveraineté ».

Pour faire face à ces menaces, la doctrine française s’appuie sur deux volets : la protection « robuste » et « résiliente » des systèmes informatiques, coordonnée sous l’autorité du Premier ministre, et une « capacité de réponse gouvernementale », qui, d’après le ministre, « fera en premier lieu appel à l’ensemble des moyens diplomatiques, juridiques ou policiers, sans s’interdire l’emploi gradué de moyens relevant du ministère de la Défense, si les intérêts stratégiques nationaux sont menacés. »

Le ministre a ensuite précisé que cette capacité informatique offensive ira de pair avec le renseignement, afin de « caractériser la menace et à identifier son origine » et qu’elle enrichira « la palette des options qui sont à la disposition de l’Etat », avec « différents stades plus ou moins réversibles et plus ou moins discrets mais toujouts proportionnés à l’ampleur et à la gravité de la situation. »

Le problème des cyberattaques est de pouvoir en déterminer précisément l’origine. Là, M. Le Drian a expliqué qu’étant donné que « le brouillard du monde virtuel permet toute sorte de manipulation », alors « l’imputation des attaques ne saurait se limiter à des preuves de nature juridique » mais devra « intégrer l’intime conviction que permettent des faisceaux d’indices convergents. » Dans ces conditions, il vaudra mieux ne pas se tromper de cible…

Quoi qu’il en soit, M. Le Drian a également fait des annonces en matière de cyberdéfense. Ainsi, les effectifs qui y sont affectés augmenteront de 350 personnels d’ici 2019.  »

L’État doit soutenir les compétences scientifiques et technologiques performantes du domaine cyber, car la capacité à produire en toute autonomie nos dispositifs de sécurité, notamment en matière de cryptologie et de détection d’attaque, est une composante essentielle de la souveraineté nationale », a-t-il expliqué.

Au niveau du ministère de la Défense, au sein duquel on considère que le cyberespace doit faire l’objet d’une « approche semblable à celle adoptée pour les milieux aérien, terrestre et maritime », la chaîne de commandement opérationnel de la cyberdéfense, effective depuis 2011, sera « consolidée » en « s’intégrant pleinement aux chaînes de conduite des opérations maritimes, aériennes, terrestres ou spéciales. » Et les centres de surveillance « relevant de l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) et de la chaîne cyber des armes seront co-localisés à partir de cet été. »

En outre, une réserve, à la fois opérationnelle et citoyenne (c’est déjà fait pour la seconde) sera mobilisable en cas de crise informatique majeure. Cette disposition figure d’ailleurs dans le dernier Livre Blanc. A cela s’ajoute un effort majeur en matière de formation, avec la création d’un pôle d’excellence autour des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, où une chaire de cyberdéfense a été inaugurée en 2012.

Enfin, un soutien particulier en recherche et développement au profit de la base industrielle de technologies de défense et de sécurité nationale sera mis en place via notamment un triplement des crédits consacrés aux études amont dans le domaine de la cyberdéfense (ils passeront de 10 à 30 millions par an). Et la Direction générale de l’armement (DGA) aura à constituer un « vivier » de plusieurs centaines d’experts de haut niveau dans plusieurs disciplines liées à la cybersécurité, dont la cryptologie, la microélectronique, l’analyse de composants logiciels et matériels, etc.

Illustration : Instacod

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