Israël s’inquiète de la livraison de missiles sol-air S-300 russes à la Syrie

Depuis que son chef, Hassan Nasrallah, a reconnu son implication armée aux côtés du régime de Bachar el-Assad, le Hezbollah ne se cache plus. Et les récents combats de Qousseir, une ville située à une dizaine de kilomètres du Liban, la milice chiite libanaise aurait perdu au moins 75 combattants.

Pour le professeur Thomas Pierret, un spécialiste de la Syrie qui enseigne à l’Université d’Edimbourg, cet engagement du Hezbollah s’explique par la nécessité de « protéger les points stratégiques syriens qui lui permettent d’acheminer des armes venues d’Iran. » Car, a-t-il confié à Francetv.info, la milice chiite est avant un allié du régime de Téhéran, qui lui-même soutien celui de Bachar el-Assad.

Quoi qu’il en soit, le transfert d’armes vers le Hezbollah n’est pas acceptable pour Israël, qui a affronté cette milice en 2006. D’où les raids menés en territoire syrien par l’aviation militaire israélienne pour les empêcher.

Seulement, Damas peut compter sur le soutien de Moscou. Et notamment sur la fourniture de systèmes perfectionnés de défense aérienne S-300, mais aussi de missiles anti-navires Yakhont. Et cela peut changer singulièrement la donne, étant donné que les appareils israéliens auront plus de difficultés à réaliser de nouvelles frappes aériennes contre d’éventuels nouveaux transferts d’armes vers la milice libanaise. De même que cela rendra plus compliqué l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne, comme certains responsables occidentaux l’avaient imprudemment avancé en août 2012.

En déplacement en Russie la semaine passée, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a bien cherché à convaincre le Kremlin de renoncer à ces livraisons. Peine perdue : le président russe, Vladimir Poutine a mis en garde son interlocuteur contre « tout acte pouvant déstabiliser davantage la situation dans le conflit syrien. »

Et les autorités russes d’expliquer que les systèmes S-300 « ne modifiaient pas le rapport de force dans la région », « ne violaient aucun accord international » et n’allait donner aucun avantage au régime de Bachar el-Assad dans le bras de fer qui l’oppose aux rebelles.

« Les S-300 livrés par la Russie et les missiles iraniens déstabilisent la région. Les Etats-Unis sont décidés à régler cette question, non seulement pour assurer la sécurité d’Israël, mais aussi par préoccupation pour le Proche-Orient », a, au contraire, estimé John Kerry, le chef de la diplomatie américaine, le 23 mai.

Plus généralement, la chute de Bachar el-Assad fait craindre le pire au gouvernement israélien, dans la mesure où il perdrait un adversaires qu’il connaît bien au profit d’une nébuleuse jihadiste prête à agir à ses frontières. Qui plus est, cette dernière pourrait également s’emparer d’armes sophistiquées, voire même chimiques et biologiques.

Or, comme pour le Hezbollah, cette hypothèse n’est pas non plus acceptable chez les dirigeants de l’Etat hébreu. Ce qu’a rappelé le général Amir Eshel, le chef d’état-major des forces aériennes israéliennes.

« Si la Syrie s’effondre demain, nous devrons mener des actions préventives pour empêcher que des armes perfectionnées tombent dans n’importe quelles mains », a-t-il affirmé, le 22 mai, lors d’une conférence à l’institut Fisher pour les études spatiales et aéronautiques. « Nous devons être prêts à affronter tous les scénarios, avec seulement quelques heures de préavis », a-t-il poursuivi.

Et un éventuel conflit s’annnonce difficile. « Les gens s’attendent à ce qu’on envoie l’adversaire au tapis, à quelque chose de chirurgical où Israël ne sera pas touché, mais ça ne se passera pas comme ça. L’arrière sera frappé, quoi que nous puissions faire », a-t-il expliqué. « Si nous partons en guerre dans le Nord, nous pouvons gagner, sans doute, mais les choses seront totalement différentes de ce que nous avons connu dans le passé. Pas question de dire qu’on pourra régler l’affaire en deux mois… C’est bien plus compliqué que cela », a encore estimé le général Eshel.

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