Le patron de Dassault Aviation se dit inquiet de l’achat de drones Reaper

Pour le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, faute de drone MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) conçu en France et en Europe, il n’y a pas d’autre solution que de chercher à s’en procurer auprès des Etats-Unis ou d’Israël, deux pays en pointe dans ce domaine, afin d’en disposer au plus vite pour répondre aux besoins opérationnels. D’où l’achat évoqué ces derniers jours de deux MQ-9 Reaper, du constructeur américain General Atomics.

« J’insiste sur le fait qu’il nous faut une solution pérenne, se préparer à construire au niveau européen des drones d’une nouvelle génération susceptible d’être les remplaçants des drones que nous allons acheter », a toutefois fait valoir le ministre, lors de l’émission « Le grand rendez-vous », d’Europe1, le 19 mai. « Il faut donc aujourd’hui que, sur notre demande, les industriels français et européens se mettent en relation pour élaborer ce que pourra être demain le drone de nouvelle génération qui sera pas uniquement français, puisqu’il y a la même demande du côté allemand et du côté britannique », a-t-il ajouté.

Pour autant, la perspective d’un achat d’appareils outre-Atlantique ne réjouit guère Eric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation. « Nous sommes inquiets. Voir acheter des drones américains sans avoir au même moment un réel lancement de programme européen ou franco-britannique ou franco-allemand, cela ne peut pas nous réjouir », a-t-il affirmé, selon l’AFP, en marge du salon de l’aviation d’affaires EBACE, à Genève, le 20 mai.

« A l’heure où on nous dit qu’il va falloir faire des efforts, qu’il va y avoir des restrictions sur certains programmes (militaires), on nous dit, on ne peut pas aller chercher la technologie (des drones de surveillance) chez vous alors qu’elle existe », a-t-il ajouté.

L’on ne peut pas donner tort à Eric Trappier. En novembre 2010, le projet de développer un drone MALE avait été confié à Dassault Aviation et BAE Systems, dans le cadre des accords de défense de Lancaster House, conclus entre la France et le Royaume-Uni. Les deux groupes mirent ensuite en place une architecture industrielle pour produire ce nouvel appareil, qui, conçu sur la base du démonstrateur Mantis, avait été appelé « Telemos ».

Le groupe EADS avait même été encouragé à rejoindre les deux autres industriels en qualité de sous-traitant. Ce que ce dernier refusa en faisant valoir que son propre programme de drone MALE, le Talarion, avait 5 ans d’avance sur ses concurrents. Pour rappel, les études préliminaires concernant cet appareil avaient été financées par la France, l’Allemagne et l’Espagne. Depuis, ce projet a été abandonné, faute de perspectives et, surtout, de contrat, son coût ayant été jugé trop élevé (45 exemplaires pour 2,9 milliards d’euros, dont 18 pour la France).

Quant au Telemos, il doit faire l’objet d’un contrat portant sur sa phase préparatoire, dont la signature était attendue en juillet 2012. Et les deux industriels attendent encore… De quoi faire prendre encore plus de retard dans ce domaine. Qui plus est, avec le revirement gouvernemental sur le drone israélien Heron TP, Dassault Aviation a connu une autre déconvenue. Le constructeur devait, comme cela avait été prévu en juillet 2011, « franciser » cet appareil, qui aurait porté le nom de « Voltigeur ». Il s’agissait-là d’une solution « intérimaire » qui aurait permis à son bureau d’étude de fonctionner.

« Cette offre avait été discutée à une certaine époque et est toujours valide », a cependant indiqué Eric Trappier, lequel suppose « une certaine francisation » des drones qui seront acquis, « c’est-à-dire avec une capacité d’être opérés de France et en France pour les problèmes de fréquences. »

Quant à une demande qui serait commune à la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, le Pdg de Dassault Aviation la cherche encore. « Je n’ai pas vu de besoins communs exprimés vers nous (industriels) qui couvrent les besoins allemands, français et britanniques. Cette demande n’existe pas », a-t-il affirmé. Et d’ajouter : « Si elle existait, il n’y aurait pas de problème pour faire un drone entre les industriels. Bae Systems, EADS et Dassault pourraient trouver un terrain d’entente dès lors que les pays auraient émis un besoin commun. »

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