Vers une « rénovation » de la concertation au sein des armées

Il peut paraître étonnant qu’un document concernant la stratégie de défense nationale et les moyens qui doivent être alloués à cette dernière puisse évoquer la question du dialogue social au sein des armées. C’est pourtant le cas de l’édition 2013 du Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité nationale (LDBSN).

Quand il était candidat à l’Elysée, le président Hollande avait déclaré, dans un discours prononcé le 11 mars 2012 sur les questions de défense, qu’il était « temps aussi de perfectionner les modes de concertation, de représentation des personnels. »

Et d’expliquer : « Le statut des militaires adopté par la loi du 24 mars 2005 tire des conséquences de la professionnalisation décidée en 1995. Il y a néanmoins deux domaines qui sont encore obscurs : la participation à la vie citouenne et à la liberté professionnelle. Il est temps de reconnaître aux militaires qu’il sont des citoyens à part entière. Les seules restrictions, elles sont néanmoins indispensables, sont celles qui découlent des exigences des opérations, de l’indispensable neutralité des Armées et de la totale cohésion qu’on est en droit d’attendre. »

Ainsi, il n’est pas question de donner aux militaires le droit de se syndiquer, comme en disposent les personnels civils de la défense ou encore leurs homologues d’autres armées européennes, comme par exemple en Belgique ou en Espagne. Toutefois, le LBDSN revient largement sur la promesse de François Hollande en soulignant qu’une « attention particulière sera portée aux conditions de la conduite des changements à venir, dans le respect des efforts déjà consentis et des droits individuels » et que cette « évolution passe par la reconnaissance d’une citoyenneté à part entière des militaires, avec leurs missions singulières, reconnues dans les statuts particuliers qui les régissent ».

Ces derniers « devront donc bénéficier des évolutions sociales créatrices de droits, notamment lorsqu’elles permettent de mieux concilier engagement professionnel et vie privée, qu’elles favorisent le droit d’expression et modernisent les conditions de la concertation et du dialogue. »

Selon les rédacteurs du Livre Blanc, une « capacité de dialogue » au sein des armées est en effet « indispensable afin de maintenir le lien de confiance entre tous les échelons de la chaîne hiérarchique et de renforcer la légitimité des instances de concertation. »

Et cela pour deux raisons : cela permet « aux responsables hiérarchiques d’expliquer les objectifs poursuivis et les modalités adoptées » tout en relayant « utilement et efficacement » les préoccupations des personnels.

Pour améliorer le dialogue au sein des armées, le document prévoit notamment la « rénovation » de la gouvernance des ressources humaines pour « assurer la cohérence d’ensemble » mais aussi un renforcement de la concertation, lequel visera un « point d’équilibre ne remettant en cause ni les fondements du statut général des militaires, ni les obligations propres à leur métier, ni les responsabilités et la capacité de commandement de la hiérarchie militaire. »

Le LBDSN indique que le rôle de cette dernière sera « développé », afin d’éclairer « l’autorité dans sa prise de décision sur les sujets fondamentaux qui concernent la condition et le statut des militaires. » Des assurances concernant la liberté d’expression et la protection du travail des membres des instances de concertations, qu’elles soient locales ou nationales, devront être garanties via une Charte.

Mais ce n’est pas tout car il est également question de renforcer leur légitimité ainsi que leur crédibilité, en faisant évoluer leur composition et le mode de désignation de leurs membres et d’améliorer la capacité « à présenter les avancées obtenues par les travaux de ces instances », afin « d’informer dans les meilleures conditions l’ensemble de la communauté militaire et de valoriser l’action » des acteurs de ces instances de concertation.

Toujours pour améliorer ce dialogue au sein des armées, il est prévu de créer des « outils participatifs en ligne », lesquels permettront « d’assurer une remontée d’information permanente et d’autoriser des échanges continus sur les thèmes de la condition militaire. » A charge pour le ministère de faire la promotion de ces forums et de développer « une capacité de réaction et de réponse active. »

Justement, à propos de ces « outils participatifs », il avait mis en place un dispositif afin de permettre aux militaires de participer à l’élaboration du Livre Blanc. En novembre dernier, 4.000 contributions avaient été envoyées via l’Intradef. Mais le document final ne précise pas comment ces dernières ont été prises en compte dans les travaux de la commission en charge de le rédiger…

Enfin, le LBDSN préconise de « favoriser l’expression des militaires dans leur contribution au débat public ou interne ». Si cette mesure doit concerner « tous les militaires », elle vise surtout ceux qui sont « appelés à servir dans les centres de recherche ou dans les organismes de formation », avec pour limite « le respect du devoir de réserve et des obligations attachés à leur statut. » Cela limite, quand même, l’expression de désaccords éventuels avec la politique menée en matière de défense…

Qui plus est, la commission du Livre Blanc s’est passée, justement, de l’opinion de ces militaires « appelés à servir dans les centres de recherche. » Quand l’on regarde la liste des personnalités auditionnées, l’on constate, par exemple, qu’elle n’a entendu aucun chercheur de l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole Militaire (IRSEM). A moins que cela ne nous ait échappé…

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