Le colonel Heluin établit un constat sans concession sur l’état de l’armée malienne

Ancien chef de corps du 2e Régiment d’Infanterie de Marine (RIMa) désormais affecté à la 9e BIMa, le colonel Bruno Heluin n’y est pas allé par quatre chemins pour décrire, dans un entretien accordé au quotidien Le Monde, l’état de décrépitude des forces armées maliennes.

Et la mission européenne de formation de l’armée malienne (EUTM Mali), dont cet officier commande le détachement de liaison, aura fort à faire pour mener à bien la tâche qui lui a été donnée.

Et pour cause, lance le colonel Heluin, « c’est une armée qui vit au jour le jour », qui ne dispose pas d’écoles militaires d’application, de moyens nécessaires pour s’entraîner et d’équipements. Elle dépend « des dons depuis trois ans », souligne l’officier. « Autrement dit, le monde entier venait se débarrasser ici de son vieux matériel. Au niveau des transmissions, des systèmes russe, chinois, américain et français cohabitent. Sous couvert de bonne volonté, nous avons donc aggravé les dysfonctionnements », explique-t-il.

A cela, il s’ajoute la corruption et le clientélisme comme mode de promotion. Le colonel Heluin raconte ainsi que sur les 800 pick-up commandés par l’armée malienne en 2006, il n’en reste « quasiment aucun ». Si un partie a été volée, un autre a été mises hors d’état de fonctionner car les cadres avaient récupéré les moteurs… En outre, et avant le coup d’Etat de mars 2012 commis par le capitaine Sanogo, il y avait 104 généraux pour un effectif de 20.000 soldats.

Pourtant, les Etats-Unis avaient bien lancé un programme de formation de l’armée malienne, lequel s’est révélé totalement inefficace étant donné que cette dernière n’a pas fait un pli, en 2012, lors de l’offensive des rebelles touareg et des groupes islamistes au Nord-Mali. D’ailleurs, le général Carter Ham, l’ancien chef de l’US AFRICOM, a admis, en janvier dernier, que des erreurs avaient été commises.

« Les Américains ont surtout formé des bataillons dans le Nord, en majorité des Touareg. Quand l’armée malienne a explosé, ce sont ces unités-là qui ont disparu. Les Américains avaient axé leur mission de formation sur le contreterrorisme. En visant les Touareg, c’était une façon de faire du renseignement. Nous voulons éviter cet écueil en travaillant avec tous les bataillons », a fait valoir le colonel Heluin.

Par ailleurs, l’officier n’a pas souhaité faire de commentaires sur le Comité de réforme de l’armée malienne dirigé par le capitaine putschiste Amadou Sanogo, lequel reste influent à Bamako. « Je suis un militaire, j’obéis aux politiques. J’ai reçu un ordre (ndlr, de l’Union européenne) : pas de contact avec le capitaine Sanogo ni avec le Comité de réforme », a-t-il affirmé.

Enfin, le colonel Heluin a égratigné la communauté internationale, laquelle insiste pour reconstruire l’armée malienne mais, qui, dans le même temps, ne donne pas les moyens nécessaires pour cela. « Rien n’a été donné, alors que 8 millions d’euros ont été promis le 29 janvier à la conférence des donateurs d’Addis-Abeba », souligne-t-il. Or, les forces maliennes en ont besoin, parce qu’elle  » doit retrouver, vite, les moyens de défendre son territoire national et de faire face à la menace », conclut-il.

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