Pour le directeur général de la sécurité extérieure, les groupes jihadistes ne sont pas manipulés par des Etats

Le Qatar soutient-il les groupes jihadistes qui s’étaient établis au Nord-Mali? Pour Sadou Diallo le maire de Gao, ville tombée aux mains du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) avant d’être libérée le 26 janvier par les troupes françaises de l’opération Serval, cela ne fait aucun doute.

« Le gouvernement français sait qui soutient les terroristes. Il y a le Qatar », avait-il en effet affirmé sur les ondes de RTL en juillet dernier. Quelques semaines plus tôt, le Canard Enchaîné avait porté des accusations identiques à l’égard de l’émirat.

« Le Mali dispose d’un potentiel gazier et a besoin d’infrastructures pour le développer. Or, le Qatar maîtrise ces techniques. Il pourrait ainsi, en cas de bons rapports avec les dirigeants d’un État islamique au nord du Mali, exploiter le sous-sol qui est riche en or et en uranium et le potentiel gazier et pétrolier », expliquait le géographe Mehdi Lazar, dans les colonnes de L’Express daté du 4 décembre 2012.

Et pour Eric Dénécé, le directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), il ne fait aucun doute que « Doha joue un rôle partout où il y a des mouvements islamistes. Tout comme c’était le cas en Libye et que c’est le cas en Syrie. »

Qui plus est, la présence de membres qataris du Croissant Rouge au Nord-Mali a alimenté les soupçons d’un soutien de Doha aux jihadistes. Selon un militant du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), interrogé par l’AFP en juin dernier, ces travailleurs humanitaires agissaient en fait pour aider le Mujao à recevoir les bonnes grâces de la population civile en distribuant de la nourriture.

Et si l’on ajoute à cela l’opposition du Qatar à l’intervention militaire française contre les groupes terroristes, alors il n’en faut pas plus pour accuser Doha de collusion avec ces derniers, comme l’on fait des responsables politiques en France. Ce que le Premier ministre de l’émirat, Hamad ben Jassem Al-Thani, a démenti, le 29 janvier.

« Le Qatar a apporté une assistance humanitaire au Mali l’année dernière avec l’aide du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et on a été accusé de distribuer des armes » aux jihadistes, a-t-il affirmé. « Ce sont de fausses allégations et notre mission n’a été qu’humanitaire », a-t-il assuré, en soulignant que le Qatar ne soutient « aucune partie contre une autre. »

En fait, la réalité est beaucoup plus compliquée qu’elle en a l’air et ce serait en fait le rôle de puissantes associations humanitaires qataries telles que la Qatar Charity ou la Mou’assassat Eid qu’il conviendrait de regarder de plus près. « Les ennemis du Qatar peuvent ainsi accuser, sans pouvoir être contredits, le Qatar de soutenir les jihadistes au Mali, comme les amis de l’émirat peuvent déclarer légitimement qu’ils ne font qu’y apporter une aide humanitaire », expliquait le chercheur Mathieu Guidère, récemment à Jeune Afrique.

Quoi qu’il en soit, invité à s’exprimer devant les députés de la commission de la Défense et des Forces armées, le préfet Érard Corbin de Mangoux, le patron de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), a répondu à une question portant sur l’existence éventuelle de « pays protecteurs d’organisations terroristes. » Et selon lui, les groupes jihadistes ne bénéficieraient pas de tels soutiens étatiques.

« Je ne pense pas qu’il y ait aujourd’hui d’États manipulateurs derrière les groupes terroristes jihadistes, qui constituent une menace pour l’existence même de ces États. Al Qaida, qui bénéficie toujours du soutien de clans ou d’individus, a été décapitée à la suite des coups portés par les Américains mais un fond culturel jihadiste, international, véhiculé par Internet, demeure », a ainsi affirmé le préfet Corbin de Mangoux.

Et d’expliquer : « On observe des échanges logistiques, des passages de moudjahidines d’un camp à l’autre, par exemple entre les Shebab et Al Qaida dans la péninsule arabique (AQPA Yémen)… On a observé à travers le monde plus de départs pour la Syrie que pour l’Irak ou l’Afghanistan. Il s’agit d’une matière vivante, très mouvante derrière laquelle nous ne voyons pas d’État l’instrumentalisant. »

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