Embûche pour le Gripen en Suisse

Le processus d’achat d’avions de combat Gripen auprès du constructeur suédois Saab lancé par la Suisse en novembre 2011 relève du parcours du combattant. Après les critiques portant sur le choix de cet appareil aux dépens du Rafale et de l’Eurofighter, pourtant mieux notés lors des évaluations, c’est au niveau politique que ça coince.

Ainsi, le 5 mars, le Conseil des Etats (l’équivalent du Sénat en France) a refusé d’accorder les 3,1 milliards de francs suisses nécessaires à l’achat des 22 Gripen tout en acceptant, cependant, le principe de renouveler la flotte des F-5 Tiger II que les avions suédois sont censés remplacer. Pourtant, en commission, les conseillers avaient donné leur aval.

En séance, Ueli Maurer, le chef du département de la défense, qui est aussi actuellement le président de la Confédération, a fait savoir qu’il n’avait pas lu en détail le contrat signé avec Stokcholm pour la livraison des Gripen. « Ce sont 56 pages en anglais, avec beaucoup de considérations techniques, je fais confiance aux spécialistes de mon service », a-t-il admis.

Reste que, selon le même Ueli Maurer, l’achat des Gripen serait désormais « compromis », la balle étant désormais dans le camp du Conseil national, qui aura aussi à se prononcer sur le financement en juin prochain. Et le cas échéant, les opposants à cette acquisition pourront jouer leur va-tout lors d’un référendum populaire. Et actuellement, selon les sondages, une majorité de Suisses ne veulent pas de l’avion suédois.

« Les chances d’emporter un référendum sont réelles. Car il y a en effet un sentiment de gaspillage financier assez large. Le sort du Gripen me laisse peu de doutes. Il faudra de toute façon revoir notre police du ciel ainsi que toutes les missions de l’armée », a ainsi déclaré le sénateur écologiste Luc Recordon, dans les colonnes du quotidien Le Matin.

« Je crois que nous avons besoin d’avions pour la sécurité aérienne, pour courir après un Piper ou un Boeing en cas d’attaque terroriste. Cela nécessite un intercepteur relativement rapide, mais pas un chasseur de combat. La vitesse des avions civils est de toute façon inférieure à Mach1 », a-t-il aussi expliqué. Seulement, la difficulté serait alors de trouver l’appareil adéquat, lequel pourrait être un avion conçu pour l’entraînement avancé (BAE Hawk, Aermacchi M-346, Aero L-159 Alca tchèque ou encore T-50 Golden Eagle sud-coréen?)

Cela étant, la décision suisse aura des conséquences en Suède, où l’exportation de la dernière version du Gripen (E/F), actuellement en cours de développement, est primordiale pour que les forces aériennes suédoises puissent en aquérir un soixantaine d’exemplaires pour 14,2 milliards de dollars. En cas d’un renoncement de Berne, cette commande serait annulée. Et au-delà, c’est l’existence même de Saab qui serait menacée.

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