Mali : Quel statut donner aux jihadistes faits prisonniers?

Un jihadiste français a bel et bien été capturé au Nord-Mali par les forces de l’opération Serval. Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, l’a confirmé ce 8 mars. Maintenant, il se pose la question du statut que l’on donner donner à ce prisonnier. Et pour le coup, la réponse n’est pas simple.

Il existe deux possibilité. Soit ce jihadiste est considéré comme un prisonnier de guerre, soit il doit être jugé comme un criminel pour des faits de terrorisme. Le ministre de la Défense a affirmé, sur les ondes d’Europe1, qu’il devait être traité selon la Convention de Genève et qu’il était « évidemment couvert par le droit international en matière de prisonnier. » Et de préciser qu’il sera « extradé » vers la France « dans les moments qui viennent. »

La Convention de Génève du 12 août 1949 stipule que le statut de prisonnier de guerre peut s’appliquer « aux milices et aux corps de volontaires y compris ceux des mouvements de résistance organisés, appartenant à une Partie au conflit et agissant en dehors ou à l’intérieur de leur propre territoire, même si ce territoire est occupé » sous 4 conditions : avoir à leur tête une personne responsable pour ses subordonnés ainsi qu’un signe distinctif fixe et reconnaissable à distance, porter ouvertement les armes et se conformer dans leurs opérations aux lois et coutumes de la guerre.

Est également concernée « la population d’un territoire non occupé qui, à l’approche de l’ennemi, prend spontanément les armes pour combattre les troupes d’invasion sans avoir eu le temps de se constituer en forces armées régulières, si elle porte ouvertement les armes et si elle respecte les lois et coutumes de la guerre. »

L’on pourrait admettre que les jihadistes d’al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) répondent au moins à 3 critères définissant un combattant auquel la Convention de Genève est susceptible de s’appliquer (ils ont un chef, l’on suppose qu’ils ont des signes distinctifs, ou du moins une apparence qui permet de les distinguer et ils portent ouverterment les armes).

Pour ce qui concerne plus précisément le cas du jihadiste français capturé, l’on pourrait considérer aussi qu’il est un traître et non un prisonnier de guerre, étant donné qu’il a participé à des combats contre des soldats de son propre pays.

« Le fait, en temps de guerre, par tout Français ou tout militaire au service de la France, de porter les armes contre la France constitue un acte de trahison puni de la réclusion criminelle à perpétuité et de 750 000 euros d’amende », précise l’article L331-2e du Code de justice militaire.

Seulement, tout cela serait valable si la France était en guerre contre une puissance étrangère… Ce qui n’est pas le cas, son intervention ayant été décidée à la demande adressée à Paris par le président malien par intérim. Qui plus est, dès le début de l’opération Serval, le gouvernement français a qualifié de « terroristes » les groupes armés qui menaçaient de marcher vers Bamako. Par conséquent, le statut de prisonnier de guerre ne peut pas être accordé à leurs militants. A moins de reprendre le concept de « combattants illégaux » imaginé aux Etats-Unis pour détenir les gens d’al-Qaïda à Guantanamo.

Et pour Jean-François Daguzan, le directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, les jihadistes faits prisonniers par les forces françaises sont avant tout des criminels qui doivent être jugés pour des faits de terrorisme.

« Ils se voient dénier de la condition de prisonnier de guerre. Ils ne peuvent donc pas profiter de la convention de Genève qui régit le droit des prisonniers. Ils sont considérés dans le droit français comme des criminels et donc passibles des tribunaux. Ils sont donc placés sous le statut de suspect au départ puis susceptibles d’être condamnés par les juridictions malienne d’une part ou française », a-t-il expliqué à Europe1.

Et d’ajouter : « Pour un terroriste, c’est le droit civil et pénal qui s’applique. C’est-à-dire qu’il se verra attribuer les mêmes droits qu’à un criminel de droit commun, comme un assassin ou un voleur qui serait attrapé en France. C’est la nature même de l’acte qui rend les choses aggravantes pour son statut : allongement de la garde à vue, juridiction spécialisée, magistrats professionnels. Mais ces criminels auront quand même des droits qui seront liés au droit pénal français ou malien. »

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