Mali : Comment les jihadistes espèrent échapper aux drones

Les drones américains Predator seraient entrés en action au-dessus du Mali. Basés au Niger voisin et étant non armés, ils auront à effectuer des missions de surveillance aux côtés des appareils de même type Harfang de l’armée de l’Air.

Cela étant, pour échapper à ces engins, les jihadistes présents au Nord-Mali bénéficient des conseils donnés dans un guide rédigé en 2011 par Abdallah Ben Mohammed, un des responsables d’al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA). Le document en question a été retrouvé à Tombouctou et diffusé par l’agence de presse AP.

Les militants d’AQPA ont eu le temps de chercher d’éventuelles parades aux attaques de drones. La première du genre a eu lieu en novembre 2002, contre Ali Qaed Sunian al-Harthi, l’un des organisateurs de l’attentat commis deux ans plus tôt à Aden contre le destroyer américain l’USS Cole. Depuis, d’autres militants de la mouvance jihadiste dans cette région en ont fait les frais, comme par exemple l’idéologue Anwar al-Aulaqi, en septembre 2011.

Ainsi, ce manuel pour échapper aux drones compte 22 conseils. Les deux premiers sont plutôt techniquement avancés puisqu’il est question de se procurer des logiciels russes – SkyGrabber et Racal – pour tenter de pirater ou de brouiller les fréquences et les liaisons satellites des appareils envoyés sur la zone où se trouvent les jihadistes.

Cela n’est pas inédit puisqu’en 2009, les insurgés irakiens – mais aussi afghans – avaient réussi à pirater les données transmises par des drones américains, ces derniers ne disposant alors pas de système pour chiffrer leurs informations obtenues au cours de leurs missions.

Cette faille était pourtant bel et bien connue mais le Pentagone avait estimé, avant que ne soit découverte cette technique, qu’il était impossible de pirater les liaisons de ses appareils pilotés à distance. Depuis, nul doute que ce problème a été réglé.

Mais comme il n’est pas toujours évident d’avoir recours à cette astuce technologique quand il s’agit de crapahuter dans les sables du Nord-Mali (et d’avoir aussi les compétences), les jihadistes du Sahel comptent sur des solutions plus rustiques. D’ailleurs, ces dernières constituent l’essentiel du manuel diffusé par AQPA.

L’une d’entre elles consiste à cacher les véhicules au moyen de tapis. Le correspondant de l’AP à Tombouctou raconte que des jihadistes en ont fait une razzia avant de fuir devant les troupes françaises. D’autres conseillent de former de faux rassemblements avec des mannequins, de ne pas établir de quartier général permanent ou encore de quitter immédiatement un véhicule quand il est survolé par un drone et de se disperser vers toutes les directions.

« Ce nouveau document … montre que nous n’avons plus affaire à un problème isolé et local, mais à un ennemi qui arrive par delà les continents à partager des conseils », a déclaré Bruce Riedel, l’actuel directeur de l’Intelligence Project à la Brookings Institution, après avoir passé 30 ans à la CIA.  »

« Ce ne sont pas des techniques stupides. Elles montrent que les jihadistes agissent très astucieusement », a estimé le colonel Cédric Leighton, un ancien de l’US Air Force qui a contribué au programme de drones Predator. « En agissant de la sorte, ils gagnent un peu de temps. Et dans ce type de conflit, le temps est l’une des clés. Ils vont l’utiliser pour passer d’une région à une autre et le faire très rapidement », a-t-il expliqué.

Au Nord-Mali, les jihadistes ont, semble-t-il, trouvé une autre astuces : recouvrir leurs pick-up de boue, faite à partir d’un mélange de terre et de boue pour que ça tienne sur la carosserie.

Reste que ces conseils ne sont pas toujours efficaces. Ainsi, le cofondateur d’AQPA, Saïd al-Chehri, est mort des suites de ses blessures, en janvier, très vraisemblablement après avoir été visé par un raid aérien réalisé par un drone. Les frappes des appareils américains pilotés à distance ont quasiment triplé au Yémen, entre 2011 et 2012. (53 contre 18).

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