Le Pentagone va droit dans le mur… budgétaire

Faute de trouver un accord au Congrès sur le plafond de la dette d’ici le 1er mars prochain, Washington va devoir tailler dans ses dépenses publiques. A commencer par les plus importantes, c’est à dire celles du Pentagone.

Le cas échéant, ce dernier devra trouver près de 50 milliards de dollars d’ici septembre prochain et, par la suite, réaliser 500 milliards d’économies sur les prochaines années. Aussi, les responsables des différentes branches de l’armée américaine ne cessent de d’avertir sur les effets que ces coupes produiront, avec l’espoir de forcer le Congrès à se mettre d’accord.

Car les conséquences seront loin d’être anodines, même si le budget du Pentagone restera à un niveau élevé, après avoir doublé au cours de la période 1998-2011. Mais les guerres en Irak et en Afghanistan sont passées par là… Et le coût d’entretien et le prix d’achat des nouveaux matériels a suivi la même pente.

A court terme, ce sont donc 800.000 employés contractuels du Pentagone qui subiront du chômage partiel quand certains d’entre eux ne seront pas forcés de prendre des congés sans solde. Et au moins 46.000 contrats temporaires vont être résiliés. Cette mesure aura des effets sur certaines agences de renseignement qui emploient des civils pour des spécialités précises. Ce qui inquiète James Clapper, le Directeur national du renseignement américain, qui craint une perte d’efficacité de ses services.

Pour le général Ray Odierno, le chef d’état-major de l’US Army, ces coupes budgétaires seront un « mauvais signal » envoyé aux adversaires potentiels des Etats-Unis. « Je tiens à conserver les bonnes capacités pour que les gens comprennent que nous avons encore la possibilité de répondre et aussi la capacité de maintenir notre propre sécurité « , a-t-il affirmé la semaine passée, lors d’une conférence donnée à la Brooking Institution, à Washington.

Il était déjà prévu que les effectifs de l’US Army baissent de 80.000 hommes au cours des prochaines années. Mais si les coupes automatiques sont faites dans son budget, au moins 100.000 soldats de plus seraient invités à faire leurs adieux aux armes. Selon le général Odierno, il n’est pas impossible que le format de la branche armée qu’il commande perde même 200.000 militaires, soit une réduction de 40% des effectifs des brigades de combat.

Le problème pour l’US Army, et on le connaît bien en France, est de pouvoir continuer à financer de nouveaux équipements qui font besoin. Or, la plupart des siens ont été éprouvés par plus de 10 ans d’engagement en Irak et en Afghanistan. D’où la logique de déflation des effectifs, accompagnée par une réduction des entraînements…

Et ce vaut aussi, ou presque, l’US Marine Corp, qui est dans la même situation. Si ce n’est que les effets des coupes seront sans doute plus importants qu’ailleurs.

« Parce que nous sommes le plus petit de tous les services et que nous n’avons que 8% du budget du Pentagone, lorsque les coupes budgétaires vont arriver et même si elles seront prélevées proportionnellement, il y aura un effet disproportionné pour le Corps des Marines », a expliqué son chef d’état-major, le général James Amos.

Devant une commission parlementaire, ce dernier a indiqué que les restrictions budgétaires « éroderont les capacités de combat, avec des personnels sous-entraînés et du matériel dégradé à la longévité réduite. » En outre, 18.000 Marines supplémentaires pourraient quitter le service.

Pour l’US Air Force, l’entrée en vigueur des coupes automatiques va la contraindre à clouer au sol 70% de ses avions en juillet prochain. C’est le chiffre donné par son chef d’état-major, le général Mark Welsh, à l’occasion de la conference annuelle de l’Air Force Association. Seuls n’auront pas de problème de maintenance les appareils engagés sur des théâtres d’opérations extérieurs ou les bombardiers de la dissuasion nucléaire.

Et dans le même temps, l’US Air Force aura à financer le programme F-35, actuellement conduit par Lockheed-Martin, lequel vient de recevoir un contrat de 7 milliards de dollars pour moderniser le F-22 Raptor. Mais le gros souci est que cette situation ne sera pas conséquences sur l’entraînement des pilotes. Et probablement sur la sécurité des vols.

Quant à l’US Navy, que l’on pourrait imaginer « préservée » en raison de l’importance désormais accordée par Washington à la région Asie-Pacifique, elle n’échappera pas à l’austérité. Les mesures prises de traduiront par l’annulation de déploiements, le report d’opérations de maintenace d’une vingtaine de navires (dont 2 porte-avions), le report, voire même l’annulation, de commandes de nouveaux bâtiments et d’avions F-35C.

Quoi qu’il en soit, il sera compliqué pour la marine américaine de maintenir le cap des 306 navires dont elle affirme avoir besoin pour mener à bien les missions qui lui sont confiées. Et cela vaut aussi pour l’US Marine Corp, qui devra renoncer, du moins à court et moyen terme, à renouveler ses véhicules

Pour convaincre les parlementaires américains de trouver un accord avant le 1er mars, les responsables du Pentagone insistent sur les conséquences économiques que les coupes budgétaires automatiques auront dans les régions où sont implantées des formations de l’armée américaine. Histoire de faire prendre conscience aux élus que leurs électeurs ne leur pardonneront pas leur intransigeance le moment venu…

Qui plus est, les annulations ou les étalements de commandes auront des répercussions sur les industriels de la défense, à commencer par les chantiers navals qui risquent de ne pas avoir une grosse activité dans le secteur naval militaire. Ce qui signifie plus de chômage dans certaines régions…

« Les membres du Congrès doivent comprendre qu’ils ont été élus pour protéger le peuple, pas pour le faire souffrir », a lancé Leon Panetta, le secrétaire à la Défense sortant, qui semble être désabusé et revenu de tout. « J’espère qu’avec un peu de chance, ils s’en souviendront quand ils travailleront pour trouver une solution », a-t-il ajouté, lors de son ultime conférence de presse, donnée le 13 février dernier.

Cela étant, ce n’est pas la première fois depuis 2011 que le couperêt menace de tomber… Et à chaque, un compromis de dernière minute a été trouvé pour repousser les décisions qui fâchent à plus tard. Comme le 31 décembre dernier. Mais ce n’est pas parce que l’on a échappé à la mort plusieurs fois que l’on est immortel… A un moment, les réalités, aussi déplaisantes soient-elles, finissent toujours par s’imposer…

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