La Suède souhaite établir un pacte de défense nordique

En affirmant que la Suède n’aurait les moyens de se défendre que pendant une semaine en cas « d’attaque limitée », le général Sverker Göranson, chef d’état-major des forces armées suédoises, a jeté un joli pavé dans la mare dans un pays qui, pour des raisons historiques, s’inquiète du réarmement massif de la Russie. D’ailleurs, cela vaut à l’officier une enquête du Sapö, le service de renseignement local, pour savoir si ses propos ont porté atteinte à la sécurité nationale… Un comble.

Toujours est-il que, à force de puiser dans le budget de ses forces armées, la Suède a vu ses capacités militaires se réduire. D’où l’appel lancé par les ministres suédois de la Défense et des Affaires étrangères, Karin Enström et Carl Bildt, de relancer l’idée d’une Union de défense scandinave, laquelle avait été mise sur la table au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale sans avoir abouti.

A la veille de la conférence annuelle sur la défense de Sälen, le 14 janvier, les deux ministres ont publié une tribune allant dans ce sens dans le quotidien Dagens Nyheter. Ainsi, ils ont proposé de partager et de mutualiser les capacités militaires des pays membres du Conseil nordique, c’est à dire la Suède, l’Islande, la Finlande, la Norvège et le Danemark. Seraient concernées les forces terrestres, navales et aériennes.

« La Suède veut une utilisation plus efficace des ressources, une meilleure qualité, de meilleurs effets et une variété élargie de capacités de défense grâce à la coopération », ont-ils fait valoir. « La mutualisation et le partage des ressources militaires sont un élément central de la vision suédoise en matière de coopération de défense nordique », ont-ils ajouté.

Seulement, plusieurs obstacles se dressent devant cette idée. En premier lieu, la faiblesse du budget suédois de la Défense, qui ne représente plus que 1,2% du PNB. « Nous avons été la principale puissance militaire dans la région », a affirmé Staffan Danielsson, le porte-parole d’un parti centriste pour les questions de défense. « Une augmentation des dépenses militaires est nécessaire si l’on veut rester crédible », a-t-il estimé. Car pour mettre des capacités en commun, encore faut-il en avoir… Et c’est aussi une affaire d’influence…

Autre problème, celui des équipements. Les quatre pays nordiques disposant de capacités militaires (celles de l’Islande sont anecdotiques, pour ne pas dire inexistantes) n’ont pas toujours les mêmes matériels, ce qui complique évidemment leur mutualisation ou leur partage. Par exemple, la Norvège a opté pour l’avion américain F-35 et le Danemark pourrait en faire autant. Quant à la Suède, elle a confirmé la commande de 60 Gripen E/F.

Cela étant, la proposition suédoise a trouvé des échos favorables en Finlande, malgré la réserve du Premier ministre finlandais, Jyrki Katainen. « La discussion d’un pacte de défense n’est pas à l’ordre du jour, et je ne sais pas si elle ne le sera jamais » a-t-il affirmé. « Il est maintenant temps de se concentrer sur la coopération de défense à un niveau pratique », a-t-il ajouté.

« La proposition de mutualisation et de partage pourraient être incorporées dans l’évolution pan-nordique des programmes de collaboration en matière de défense », a en revanche estimé Erkki Tuomioja, le ministre finlandais des Affaires étrangères.  » Je ne vois pas pourquoi la Finlande n’achèterait pas le JAS Gripen lorsqu’elle remplacera sa flotte d’avions de combat. Si les pays nordiques mettaient en oeuvre un seul type d’appareil moderne, cela ferait un potentiel d’économies énormes » a pour sa part déclaré Eero Heinäluoma, président du Parlement.

Seulement, cela n’en prend pas le chemin. Du moins pour l’ensemble des pays membres du Conseil nordique. « La perspective d’un pacte de mise en commun et le partage avec la Suède, ou d’une entente plus large de défense nordique, est une possibilité mais elle doit être considérée comme un objectif de long terme plutôt que de court terme », a tempéré Carl Haglund, le ministre finlandais de la Défense.

Enfin, dernier obstacle de taille : celui des alliances. La Suède et la Finlande sont deux pays neutres appartenant à l’Union européenne, dont l’article 42 du Traité de Lisbonne prévoit une assistance militaire à ses membres en cas d’attaque. La Norvège fait seulement partie de l’Otan alors que le Danemark est dans les deux organisations.

Aussi bien l’Otan que l’UE cherchent à mettrent en place des programmes de mutualisation de capacités militaires afin de limiter les effets des baisses des dépenses de défense de leurs Etats membres. En outre, pour des pays comme le Danemark et la Norvège, l’Alliance atlantique reste le principal moyen de défense régionale. Par conséquent, la proposition suédois risque de rencontrer que peu d’intérêt.

D’ailleurs, Anders Fogh Rasmussen, le secrétaire général de l’Otan, qui était présent à Sälen, a plaidé pour une meilleure coopération entre la Suède et l’Alliance. « Votre pays est l’un des partenaires les plus actifs et les plus efficaces de l’OTAN », a-t-il affirmé. « Nous avons désormais une vraie opportunité de renforcer encore la solidité de notre partenariat … C’est là une occasion que nous devons saisir ensemble », a-t-il ajouté.

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