Le régime syrien a-t-il utilisé une arme chimique?

Est-ce que le régime de Bachar el-Assad a franchi la ligne rouge qui lui a été fixée par les pays occidentaux, ce qui serait, selon les termes utilisés par le président Hollande, une « cause légitime d’intervention directe »? La magazine américain Foreign Policy l’affirme.

Selon ce dernier, une arme chimique aurait en effet été utilisée par les forces loyalistes syriennes le 23 décembre dernier, à Homs. Les affirmations du bimestriel reposent sur un télégramme diplomatique envoyé au département d’Etat, à Washington, par Scott Frederic Kilner, le consul général américain à Istanbul. Toujours d’après lui, le gaz utilisé serait l’Agent 15, similaire au BZ (benzilate de quinuclidinyle).

Cette substance est un agent incapacitant, non létal, qui altère la mémoire et trouble l’attention ainsi que la compréhension. Son absorption peut provoquer des hallucinations, la perte du sens de l’orientation, des nausées, une hausse du rythme cardiaque et un ralentissement de l’activité cérébrale.

Dans ses éditions du week-end, le quotidien Le Monde a confirmé l’information de Foreign Policy, sans toutefois préciser la nature du gaz utilisé. S’appuyant sur des « sources au sein de services de renseignement occidentaux », le journal affirme que la substance utilisée est « incapacitante, non létale, dont nous n’avons pas pu établir le nom, faute d’échantillon. » Et de spéculer, citant des « experts », sur une possible dispersion de « Kolokol-1 », le gaz utilisé par les forces spéciales russes lors de la prise d’otages de Moscou en octobre 2002.

Quoi qu’il en soit, et d’après la définition donnée par les Nations unies, un gaz incapacitant « provoque des effets temporaires et peut entraîner une incapacité physique ou mentale temporaire. Le plus connu est le benzilate de 3-quinuclidinyle, un agent anticholinergique qui peut affecter l’organisme de l’être humain pour plusieurs jours. De manière générale, les agents incapacitants ne sont pas considérés comme ayant une efficacité sur le plan militaire. »

En outre, si c’est bien du gaz BZ qui a été utilisé – ce qui est en l’état impossible à confirmer, faute de prises de sang faites sur les victimes à des fins d’analyses – alors il s’agit d’une substance du tableau 2 de la Convention sur les armes chimiques, lequel « répertorie les produits chimiques qui sont des précurseurs d’agents d’armes chimiques, ou, dans certains cas, peuvent être employés comme tels, mais qui se prêtent à d’autres utilisations commerciales. »

D’où la position affichée par les diplomates français et américains. Le 20 janvier, le chef du Quai d’Orsay, Laurent Fabius, a été interrogé sur les ondes d’Europe1 sur cette affaire. « Cela avait été affirmé, donc nous avons demandé une vérification par nos services, pas seulement nous d’ailleurs, d’autres pays aussi. Et on nous a dit non », a-t-il dit.

Même chose de l’autre côté de l’Atlantique. Réagissant à l’article de Foreign Policy, Tommy Vietor, le porte-parole du Conseil national de sécurité de la Maison Blanche a déclaré, quelques jours plus tôt, que « les informations que nous avons vues dans la presse concernant de prétendus incidents liés à des armes chimiques en Syrie ne sont pas cohérentes avec ce que nous pensons être la réalité du programme chimique syrien. » Et de rappeler que le « président Obama a été très clair lorsqu’il a dit que si le régime du président Assad commettait la grave erreur d’utiliser des armes chimiques ou manquer à ses obligations de les sécuriser il aurait à en assurer la responsabilité. »

« Nous avons vérifié les informations obtenues, et n’avons trouvé aucun élément crédible permettant de corroborer ni confirmer que des armes chimiques ont été employées » a, pour sa part, commenté Victoria Nuland, la porte-parole du département d’Etat, qui a admis l’existence du télégramme diplomatique évoqué par Foreign Policy.

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