Hervé Morin veut supprimer la composante aérienne de la dissuasion pour faire des économies

Ministre de la Défense de 2007 à 2010, Hervé Morin (UDI) n’y est pas allé de main morte avec le président Hollande, qu’il a qualifé « d’hypnotiseur en chef » car, selon lui, il aurait « évacué les vraies questions qui seront au cœur des grands débats sur la Défense en 2013 » lors du discours qu’il a prononcé à l’occasion des voeux adressés aux armées, le 9 janvier, à Olivet.

Dans un communiqué, Hervé Morin a estimé que le chef de l’Etat doit « avoir le courage, (…) de proposer une réelle perspective à nos militaires (…), continuer l’œuvre de réforme engagée depuis 2008 et adapter nos ambitions à nos moyens, tout en conservant la capacité à mener en coalition des opérations de stabilisation et de maintien de la paix là où c’est nécessaire. »

Sur les ondes de RMC, ce 10 janvier, l’ancien ministre est allé encore plus loin en renouvellant ses accusions à l’égard du président Hollande. En refusant de « revoir les ambitions de la France en matière de Défense, on a un chef des armées qui est un enfumeur en chef « , a-t-il lancé. « Plutôt que de mettre la poussière sous le tapis », a-t-il ajouté, il faut « prendre des décisions. »

Lesquelles? En supprimant la composante aérienne de la force de frappe française. « Le nucléaire, c’est 20 à 25% des crédits d’équipement des armées. Si vous continuez à maintenir deux composantes – le schéma idéal, il y a une vraie complémentarité entre composante aérienne et sous-marine – vous consacrerez un tiers du budget de la Défense à la dissuasion », a-t-il avancé.

Dans ces conditions, « que va-t-il rester pour les armées conventionnelles, ce dont nous avons besoin tous les jours? », a-t-il continué, en évoquant des forces terrestres projetables capables de mener des mission de sécurité ou bien encore une marine apte à surveiller le domaine maritime française, le 2e du monde. de sécurité. « Il nous faut réduire la part du nucléaire », a ainsi avancé Hervé Morin. Et donc, a-t-il ajouté, « il serait sage de supprimer une composante, l’aérienne. »

Donc, si l’on comprend bien, il faudrait donc se passer des Forces aériennes stratégiques (FAS), non pas parce qu’elles ont perdu leur utilité mais parce que cela générerait des économies pouvant être réinvesties au profit des moyens conventionnels.

Selon la loi de finances 2013, la dissuasion nucléaire absorbera 3.383 milliards d’euros en crédits de paiement 3.324 milliards d’euros en autorisations d’engagement. L’on est donc bien loin du « tiers du budget de la Défense », qui s’élevera à 30,2 milliards d’euros, auxquels s’ajouteront 1,2 milliards de recettes exceptionnelles.

Il est toutefois difficile de savoir exactement comment sont réparties les sommes allouées à la dissuasion. Si ce n’est que, selon le rapport du Sénat « Projet de loi de finances pour 2013 : Défense : équipement des forces« , l’on apprend, par exemple, que la simulation représente 614,9 millions d’euros en crédits de paiement et que le missile M-51 bénéficiera au total de plus de 800 millions d’euros.

Pour avoir une idée plus précise de ce que coûte la composante aérienne de la dissuasion, il faut consulter l’avis du député Jean-Jacques Bridey au sujet de l’équipement des Forces et de la dissuasion, établi dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013.

Ainsi, l’on apprend que la « composante aéroportée a un coût d’entretien réduit et ne représente au total que 7 % des crédits alloués à la dissuasion nucléaire. » Et le député d’ajouter : « La supprimer reviendrait à moyen terme à économiser environ 56 millions d’euros par an sur le maintien en condition opérationnelle et, à plus long terme, environ 600 millions d’euros sur le programme de rénovation à mi-vie du missile ASMP-A, ainsi que 500 millions d’euros sur les études amont concernant le successeur de ce missile. Ces sommes sont limitées, rapportées aux décennies pendant lesquelles s’exprimera le besoin et surtout au regard de l’utilité de la dissuasion. »

Qui plus est, les nouveaux missiles ASMP-A sont désormais entrés en service et les avions qui les mettent en oeuvre (Rafale du Gascogne et Mirage 2000N du La Fayette) sont aussi susceptibles d’assurer des missions conventionnelles, tout comme d’ailleurs les avions ravitailleurs C-135, dont la modernisation est à la charge du budget alloué à la dissuasion.

Autrement dit, ce n’est pas en supprimant la composante aéroportée que l’on trouvera des sommes importantes pouvant être réinvesties au profit des forces conventionnelles. Et d’autant plus que, si une telle décision devait être prise, les gains, aussi minimes soient-ils, ne seront pas immédiats : il faudra en effet prendre en charge le coût du démantèlement des missiles nucléaires qui seraient de facto devenus inutiles.

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