Une dissuasion crédible repose sur des forces conventionnelles robustes

Conformément à la feuille de route du président Hollande, la dissuasion nucléaire devrait être « sanctuarisée » dans le prochain Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale (LBDSN) en cours d’élaboration. Ce qui laisse craindre, compte tenu du contexte budgétaire et économique, un affaiblissement des forces dites conventionnelles.

Le LBDSN « devra trancher entre les programmes plutôt que chercher à saupoudrer les réductions de budgets » a d’ores et déjà prévenu Jean-Marie Guéhenno, le président de la commission chargée de rédiger ce document qui servira à préparer la prochaine Loi de programmation militaire (LPM). « Il vaut mieux avoir le courage de dire que sur tel point on ne fera pas mais qu’on se garde une capacité intacte sur tel autre point, plutôt que de raboter un peu partout » a-t-il expliqué en novembre dernier.

Seulement, comme l’a rappelé le général (2S) Vincent Desportes, dans une tribune publiée par Libération (édition du 7 janvier), la crédibilité de la dissuasion nucléaire ne va pas sans des capacités conventionnelles fortes car sinon, l’on se trouve « aculé à la logique du tout ou rien. »

Et l’ancien directeur du Collège interarmées de défense (CID, soit l’Ecole de Guerre depuis 2010) d’expliquer que la « dimension psychologique », en dissuasion nucléaire, est indissociable des « capacités d’action conventionnelle ». Faute de quoi, « à laisser se dégrader l’un pour préserver l’autre, on risque de se priver des deux. »

Le général Desportes avance plusieurs arguments en faveur des capacités conventionnelles fortes. Le premier est que le « tout ou rien » n’est pas crédible, à la différence d’une réponse graduée. « Pas de frappe en premier justifiable devant l’Histoire si elle n’est précédée d’actions classiques solides montrant au monde et à l’adversaire notre volonté d’aller jusqu’au bout », explique-t-il. C’est pourquoi, lors de la guerre froide, les deux camps opposés ont maintenu des forces conventionnelles « robustes » pour « assurer une crédibilité suffisante à la mise en œuvre des armes nucléaires. »

Autre élément en faveur de capacités conventionnelles robustes : celui de l’autonomie de la décision, qui s’appuie sur la nécessité d’acquérir du renseignement de manière autonome et fiable ainsi que sur la logistique. « Si des manques capacitaires importants et les concepts à la mode de mutualisation et partage peuvent être admis par des Etats européens ayant déjà renoncé à une défense souveraine, ils ne sont pas acceptables pour une puissance qui entend fonder sa survie sur sa souveraineté de décision et d’action nucléaire », écrit le général Desportes. Autrement dit, les concepts de Smart Defense et de « Pooling and Sharing » ne seraient pas les plus pertinents pour des forces armées françaises, appelées à mettre en oeuvre cette dissuasion.

Alors, dans ces conditions, et étant donné le contexte budgétaire restreint, il s’agit de résoudre l’équation de la quadrature du cercle…. Sauf à « désanctuariser » la dissuasion nucléaire. C’est en tout cas la solution que préconise le général Desportes. « Mieux vaudrait donc le redimensionner (ndlr, le nucléaire) – car, contrairement à ce qui est affirmé, des économies sont possibles – afin de pouvoir conserver les capacités d’action conventionnelle nécessaires à la logique globale de dissuasion » estime-t-il.

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