Afghanistan : Les taliban veulent une nouvelle Constitution

Les représentants du gouvernement afghan et des principaux mouvements insurgés, dont le Hezb-e-Islami, qui avait revendiqué l’embuscade d’Uzbeen au cours de laquelle 10 militaires français furent tués, et le mouvement taleb se sont parlés pendant quelques jours, à Chantilly, près de Paris, à l’initiative de la Fondation pour la recherche stratégique, soutenue par les autorités françaises, « dans la mesure où elle contribue au dialogue entre toutes les composantes de la société afghane. »

Pour faciliter cette rencontre, le Conseil de sécurité des Nations unis avait décidé, quelques jours auparavant, de faciliter les déplacements à l’étranger de responsables taliban afin de leur permettre de participer à d’éventuels pourparlers de paix ou de réconciliation.

Quoi qu’il en soit, les participants à la réunion de Chantilly ont campé sur leurs positions. Et les représentants taliban ont posé comme condition à leur participation à un processus de paix qu’une nouvelle Constitution « conforme aux principes de l’islam » soit adoptée en Afghanistan.

« La Constitution afghane actuelle n’a pas de valeur parce qu’elle a été rédigée à l’ombre des bombardiers et des envahisseurs » ont-ils affirmé dans leur déclaration finale. « L’Emirat islamique nécessite une Constitution fondée sur les saints principes de l’islam, de l’intérêt national, des accomplissements historiques, de la justice sociale » ont-ils fait valoir.

Dans ces conditions, il sera compliqué de réconcilier tout le monde. Qui plus est, certains seigneurs de guerre afghans, qui redoutent les conséquences du retrait de l’Otan après 2014, réactivent leurs milices pour se préparer à un éventuel retour des taliban.

Pour autant, le général français Olivier de Bavinchove, l’actuel numéro 3 de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF), déployée en Afghanistan sous le commandement de l’Otan, ne croit pas à un retour au pouvoir des taliban.

« Je ne vois en aucun cas ce pays retomber dans le fondamentalisme, l’obscurantisme, le Moyen-Âge, et des pratiques qui sont à l’opposé de toutes les valeurs que nous défendons » a-t-il affirmé le 19 décembre dernier, lors d’une visio-conférence avec des journalistes.

« Il n’y avait pas un téléphone portable y a 10 ans en 2001. Il y en a 19 millions aujourd’hui. Presque 20% sont détenus par des Afghanes, ce qui montre l’évolution de la société pour donner plus de liberté, plus d’autonomie aux femmes », a-t-il affirmé. « Nous n’avions quasiment pas une fille à l’école, aujourd’hui, nous en avons près de 3,7 millions. Nous avons presque neuf millions d’enfants et d’étudiants scolarisés alors qu’il n’y en avait que 50.000 en 2001. C’est vous dire le chemin parcouru », a encore ajouté l’officier.

Il y a 11 ans, a-t-il poursuivi, « il n’y avait pas de structures ni politiques, ni administratives, pas d’armée ni de forces de sécurité. C’était un Etat de non droit où les règles étaient celles imposées par les taliban », alors que maintenant, « 87% du territoire – 13% restant plus ou moins contrôlés par les taliban – vit à peu près de façon normale », même si cette « normalité » reste très éloignée, selon lui, des standards occidentaux.

Pour le général de Bavinchove, qui a avancé que les insurgés n’avaient pas réussi à « regagner du terrain », l’Afghanistan pourrait être le théâtre d’un conflit entre les « anciens et les modernes », étant donné que 70% de la population a moins de 25 ans.

« Vous aurez un clash de générations entre ces jeunes éduqués, formés, efficaces et décidés à moderniser leur pays et les ‘anciens’, illettrés pour la plupart, mais qui exercent leur pouvoir de par leur autorité tribale ou leur rôle ancien comme seigneurs de la guerre » a-t-il affirmé.

Ce constat sur la situation afghan rejoint celui établi par Jan Kubis, le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies en Afghanistan. Ce pays « que je connais depuis près d’un an est différent de celui que les médias ont tendance à décrire » a-t-il affirmé le 20 décembre. « Certes, il y a des problèmes et même des tragédies, mais l’Afghanistan est beaucoup plus que cela », a-t-il estimé. « En parcourant les 22 provinces que compte le pays, j’ai vu des enfants, garçons et filles, prendre le chemin de l’école, ce qui était inconcevable il y a encore une décennie », a-t-il ajouté.

Entre les rapports pessimistes de certains centres de réflexion et l’optimisme affiché tant par l’Otan que les Nations unies, il est compliqué de se faire une opinion définitive sur l’avenir de l’Afghanistan. Après avoir raconté l’histoire d’une adolescente décapitée parce qu’elle refusait d’épouser un mollah qui lui était destiné, le général de Bavinchove a exprimé son sentiment. « Il y a des moments où je crois que les choses vont dans le bon sens et d’autres où je me dis que rien ne changera jamais. Je crois que la vérité est entre les deux » a-t-il admis.

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