L’Allemagne privilégie l’Otan à la défense européenne

La semaine passée, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense des pays appartenant au format dit Weimar + (France, Allemagne, Pologne, Italie et Espagne), ont convenu de « promouvoir une politique européenne ambitieuse dans le domaine de la sécurité et de la défense » et appelé les Européens à se « donner » les moyens de leurs ambitions en la matière.

Seulement, de déclarations d’intention en promesses non tenues, cela fait maintenant près de 20 ans que l’on parle de défense européenne, notion apparue pour la première fois dans un texte communautaire en 1992. En effet, le traité de Maastricht prévoyait de faire de l’Union de l’Europe occidentale (UEO) le bras armé de l’UE. Mais il n’en aura rien été, cette organisation ayant été finalement dissoute en 2011, une partie de ses prérogatives étant reprises par la Politique commune de sécurité et de défense (PCSD).

Avec des budgets militaires plombés par la crise économique, le contexte actuel favoriserait ainsi cette défense européenne que la France appelle de ses voeux depuis longtemps. Mais cet argument a été avancé il y a 10 ans, les dépenses militaires des pays membres de l’UE ayant déjà décroché par rapport à celles des Etats-Unis. Une étude de l’observatoire économique de la défense remise en 2003 à Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense, avait même évoqué « un véritable désarmement technologique » de l’Europe.

« L’ensemble des pays européens de l’Otan dépense pour se défendre moins des deux cinquièmes des sommes qu’y consacrent les Etats-Unis », notait, à la même époque (soit bien avant les hausses sensibles du budget alloué au Pentagone), le néo-conservateur américain Robert Kagan.

Le fait est, si les progrès de la défense européenne sont lents, c’est que les pays membres de l’UE, du moins une grande majorité, voient dans l’Otan – et donc dans le parapluie américain – le meilleur moyen d’assurer leur sécurité. Cela leur permet de diminuer leur effort militaire et d’engranger ainsi les « dividendes de la paix » promis au lendemain de l’effondrement du bloc soviétique.

D’où leur réserve, voire même leur refus, devant l’idée de mettre en place des structures de défense européenne susceptibles de concurrencer celles de l’Alliance atlantique et qui feraient double emploi. Et le retour de la France au sein du commandement militaire intégré de l’Otan, voulu par le président Sarkozy, n’y a pas changé grand chose.

Cette décision a notamment été saluée par l’Allemagne, pays dont on pourrait croire qu’il serait l’un des plus favorables à l’idée de faire progresser la défense européenne, dans la mesure où la France partage avec lui des unités communes. Mais, selon un télégramme diplomatique français daté du 2 octobre dernier et dont le contenu a été diffusé par L’Express, il n’en est absolument rien.

« Le gouvernement actuel donne la priorité à l’Otan », qui « reste l’enceinte privilégiée pour des opérations extérieures limitées de stabilisation ou d’évacuation, pour obtenir à chaque fois que possible l’implication des Etats-Unis » a ainsi affirmé, selon le document, un conseiller diplomatique d’Angela Merkel, la chancelière allemande. Pour Berlin, il est nécessaire de trouver des complémentarités entre l’Otan et l’UE au lieu de chercher à les opposer.

Seulement, les Etats-Unis ont rééquilibré leurs priorités stratégiques vers la région Asie-Pacifique. D’où les multiples appels de Washington lancés à ses partenaires européens pour qu’ils prennent leur sécurité en main, et cela d’autant plus que le Pentagone doit lui aussi subir une cure d’austérité dans les 10 ans qui viennent. Sans doute cela va-t-il contraindre l’Allemagne, par exemple, à reconsidérer son point de vue à l’égard de la défense européenne. Rien n’est moins sûr.

Dans son rapport portant sur les conséquences du retour de la France dans les structures militaires intégrées de l’Otan, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, n’a pas caché ses doutes sur les intentions allemandes.

« Le souhait de la France de ‘revivifier’ la relation franco-allemande dans le domaine de la défense, dans le cadre plus général de la commémoration du Traité de 1963 (…) risque de se heurter à un contexte peu favorable » a ainsi estimé Hubert Védrine. Et d’ajouter :  » Cependant, même si les ministres français et allemand de la Défense avaient signé le 4 juin 2012 une lettre d’intention pour promouvoir une coopération capacitaire, la question demeure : Y a-t-il à Berlin une vraie volonté d’agir, en matière de défense, en européen, et en franco-allemand? »

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