Big Bang annoncé dans l’industrie de défense européenne

Suite à une révélation de l’agence Bloomberg, EADS et le britannique BAE Systems ont confirmé l’existence de discussions entamée en avril dernier et portant sur une éventuelle fusion, laquelle serait susceptible de donner naissance à « un groupe d’envergure internationale avec des centres de production et d’excellence substantiels en France, en Allemagne, en Espagne, au Royaume Uni et aux Etats-Unis. »

Le fait est, si l’on additionne les activités des deux groupes, l’on arrive à un chiffre d’affaires de 72 milliards de dollars, une capitalisation boursière de 38 milliards d’euros et 225.000 salariés dans le monde.

Le projet en question prévoit que les deux groupes restent côtés à Londres et à Paris tout en étant rassemblés au sein d’une nouvelle entité à direction unique, qui serait détenue à 60% par EADS et à 40% pour BAE Systems.

La France et l’Allemagne, à l’origine de la création d’EADS en 2000, avec la réunion d’actifs industriels des pays, auront une participation préférentielle (golden share) au capital du nouvel ensemble. De même que le gouvernement britannique, qui gardera celle qu’il détient actuellement chez BAE Systems.

La fusion des deux groupes, qui se connaissent bien étant donné qu’ils font partie du consortium Eurofighter et que BAE Systems était jusqu’en 2006 actionnaire à 20% d’Airbus avant de revendre cette participation pour étendre ses activités aux Etats-Unis, doit encore faire l’objet de discussions avec « une série de gouvernements » eu égard à leurs activités dans le secteur de la défense « aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en France, en Allemagne, en Espagne, en Arabie saoudite et en Australie entre autres. »

L’on saura, le 10 octobre prochain, si cette opération se fera. Pour autant, passé cette date, il n’est pas exclu que les discussions se poursuivent si aucun accord définitif n’est trouvé entre les parties.

Cela étant, cette fusion s’avère délicate. Outre les questions liées avec les gouvernements concernés, il faudra gérer le rapprochement d’entités transnationales. Et par le passé, ce genre d’opération n’a pas toujours été couronné de succès (que l’on se souvienne de la fusion entre Chrysler et Daimler). D’autre part, il faudra certainement céder quelques activités pour ne pas froisser les autorités de régulation. Et puis les actionnaires devront être convaincus de l’utilité d’un tel rapprochement.

Pour BAE Systems, il s’agit, pour reprendre le mot du Financial Times, d’une volte-face stratégique. Après avoir discuté, en 1999, d’un éventuel rapprochement avec l’allemand Dasa, qui a finalement rejoint EADS, le groupe britannique avait mis l’accent sur les activités liées à la défense, en particulier aux Etats-Unis où il a pu profiter de l’inflation des budgets du Pentagone suite aux attentats du 11 septembre 2001.

Mais comme les dépenses militaires américaines vont subir une baisse importante (et un nouveau coup de rabot d’ampleur est probable), BAE a donc pris les devants en se rapprochant d’EADS. Pour le groupe européen, maison-mère d’Airbus, cette opération va lui ouvrir les marchés militaires outre-Atlantique, ce qu’il cherche à faire depuis longtemps.

En outre, cette fusion permettra à EADS d’atteindre son objectif de rééquiliber ses activités civiles (80% de son chiffre d’affaires) et militaires. Autrement dit, les deux sociétés sont complémentaires, ce qui devrait faciliter l’opération et limiter le nombre des suppressions d’emploi.

Par ailleurs, cette opération règlerait les problèmes d’actionnariat d’EADS. Ainsi, Lagardère (15% du capital) trouverait la porte de sortie qu’il cherche depuis un moment, de même que Daimler (15% également).

Enfin, et alors que le gouvernement français actuel se dit très favorable à la défense européenne, la réaction du ministre de l’Economie, Pierre Moscovici, à cette annonce a été plutôt froide. « L’Etat, actionnaire indirect d’EADS, se prononcera le moment venu en vertu des conventions en vigueur régissant la gouvernance d’EADS » a-t-il simplement déclaré.

En Grande-Bretagne, où règne un climat eurosceptique, surtout après le remaniement du gouvernement dirigé par David Cameron, l’on a indiqué que « l’évaluation des bénéfices du rapprochement est du ressort des entreprises concernées » mais que Londres veillera « à ce que l’intérêt général des britanniques soit préservé. »

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