Pour Jean-Yves Le Drian, une intervention militaire au Nord-Mali est « inéluctable »

La situation au Mali demeure compliquée, si ce n’est confuse. Suite à la déroute, dans le nord du pays, des forces gouvernementales face à une coalition formée les rebelles touareg du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) et les jihadistes du groupe Ansar Dine, appuyés par al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), un coup d’Etat a renversé, en mars, le président sortant, Amadou Toumani Touré (dit ATT).

Depuis, la junte militaire qui avait pris le pouvoir a accepté de s’en écarter sous la pression de la communauté internationale, et particulier de la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest).

Bien que victime d’une agression en mai dernier, le président par interim du Mali, Dioncounda Traoré, de retour à Bamako il y a quelques jours, est actuellement en train de former un gouvernement d’union nationale, ce qui ne va pas sans susciter quelques tensions avec le Premier ministre intérimaire, Modibo Diarra, à qui il est reproché de ne pas avoir demandé une intervention militaire de la Cédéao pour chasser les islamistes dans le nord et d’être complaisant avec les anciens putschistes du capitaine Sanogo.

D’ailleurs, ces derniers cherchent à régler leurs comptes, notamment avec les bérets rouges du camp de para de Djikoroni, qui, proches du président ATT, s’étaient opposés au coup d’Etat. Plusieurs arrestations ont été faites dans leurs rangs, ce qui n’est pas sans cause, là encore, des frictions.

Dans le nord, les islamistes d’Ansar-Dine, d’AQMI et du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao, dissidence d’AQMI), renforcés par des éléments étrangers au Mali et venus d’Afghanistan, du Pakistan ou encore du Nigeria, ont fini par chasser leurs alliés du MNLA pour cause de divergences de vues et d’objectifs et par imposer la charia (loi islamique), ce qui n’est pas susciter quelques résistances, des habitants de Gao s’étant, par exemple, récemment opposés à ce qu’un voleur ait la main coupée.

Par ailleurs, ces groupes islamistes n’hésitent pas à enrôler des mineurs dans leurs rangs, comme l’a révélé la Coalition malienne des droits de l’enfant (COMAD). « Plusieurs centaines d’enfants, âgés de 9 à 17 ans, ont intégré les rangs des groupes armés dont les islamistes qui contrôlent le nord du Mali » a ainsi affirmé, le 5 août, Mamoud Lamine Cissé, le président de cette structure qui fédére 78 associations maliennes et internationales.

« Après les enquêtes, nous avons des informations concordantes que ces enfants, sont utilisés comme des combattants, des démineurs, des éclaireurs, des espions, des coursiers, des sentinelles, des cuisiniers, et des esclaves sexuels pour les jeunes filles » a-t-il ajouté.

Pour autant, des mouvements d’auto-défense tentent de prendre corps. « Pour libérer le nord du Mali, pour fédérer les forces de résistance, nous décidons la création des Forces patriotiques de résistance (FPR) » ont annoncé, en juillet, les responsables de 6 groupes dont les Forces de libération des régions nord du Mali (FLN), les milices Ganda-Koy et Ganda-Izo, l’Alliance des communautés de la région de Tombouctou (ACRT), la Force armée contre l’occupation (FACO) et le Cercle de réflexion et d’action (CRA).

« Nos six mouvements réunis regroupent des milliers d’hommes. Certains sont actuellement en formation dans nos bases à Sévaré (ndlr, centre du Mali) », a déclaré Harouna Touré, l’un des responsable des FPR, lesquelles risquent de peser bien peu par rapports aux groupes islamistes.

Aussi, pour éviter que le nord-Mali devienne un « sahelistan », pour reprendre le mot lancé par le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, une intervention militaire a été jugée « inélectable » par le président ivoirien Alassane Ouattara, qui est à la tête de la Cédéao. Une force de 3.300 hommes n’attend plus que le feu vert de Bamako pour intervenir, ainsi qu’un mandat des Nations unies, qui pourrait lui être accordé rapidement étant donné que la France préside le Conseil de sécurité depuis le 1er août.

Et à Paris, l’on voit d’un oeil favorable cet éventuel déploiement militaire. « Il faut éviter par tous les moyens que cette partie du Mali devienne un ‘Sahélistan' », a ainsi affirmé, le 4 août, Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense. Or, a-t-il estimé, « les ingrédients sont en train de se rassembler pour qu’elle le devienne ».

« La France n’a pas à prendre une initiative militaire au Mali » a-t-il encore poursuivi. « Elle souhaite que ce soient les forces africaines, en particulier celles de la Cédéao et éventuellement de l’Union africaine, qui prennent l’initiative, c’est le sens de la résolution qui a été votée par le Conseil de sécurité (ndlr, adoptée le 5 juillet, pour appuyer une transition politique avant une action armée) » a-t-il ajouté.

Aussi, pour Jean-Yves Le Drian, cette intervention militaire africaine devra permettre « d’assurer la stabilité politique à Bamako, qui n’est pas encore assurée même si le président Traoré est revenu de Paris à Bamako cette semaine, d’assurer un gouvernement d’union nationale, lui donner la souveraineté nécessaire et étendre cette souveraineté au Nord-Mali avec inévitablement une intervention armée que la France pourra soutenir mais dont elle ne prendra pas l’initiative ». « La France la soutiendra et je l’espère, l’Union européenne aussi » a-t-il avancé.

L’armée française pourrait cependant être sollicitée pour cette opération. Et même plus qu’on ne le pense, avec une possible participation des avions de combat de l’armée de l’Air. Ainsi, le président Ouattara a, dans un entretien accordé au Journal du Dimanche, le 28 juillet dernier, indiqué que la Cédéao demandera « un appui logistique notamment à la France et aux Etats-Unis. » Et de préciser : « Je parle d’un appui logistique, matériel, je parle également de conseillers. Nous ne disposons pas non plus d’une aviation de combat et nous en aurons besoin. A l’inverse, je n’envisage pas la présence de troupes au sol qui ne soient pas africaines. »

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