Décès du colonel honoraire Jean Sarrail, le pilote d’essai des avions Leduc

Il fut un temps où la notion de « principe de précaution » était inimaginable. Quand la prudence est partout, le courage n’est nulle part, dit-on. Et de courage, le pilote d’essai Jean Sarrail n’en a jamais manqué, lui qui totalisait 18 accidents majeurs au cours de sa carrière.

Âgé de 93 ans, il s’est éteint à Istres (Bouches-du-Rhôle), le 7 juillet dernier. Et c’est un témoin d’une des plus belles pages de l’histoire de l’aéronautique française qui vient de s’en aller.

Né à Toulouse en 1919, Jean Sarrail est très tôt attiré par l’aviation. Il pilote, dès 1937, un Bloch 152. Engagé dans l’amée de l’Air, il prend une part active aux opérations de la Seconde Guerre Mondiale et obtient ainsi deux victoires aériennes, plus trois « probables ».

Après un passage en Indochine, et à une période excitante où l’avion à réaction prend son essor, il choisit d’entamer une carrière de pilote d’essai. Au total, Jean Sarrail aura pris les commandes de 200 types d’appareils, du Spitfire au Messerchmitt 262 allemand, en passant par le de Havilland Vampire britannique à l’Ouragan français. Mais son histoire se confond surtout avec l’épopée des avions expérimentaux imaginés par l’ingénieur René Leduc.

L’on doit beaucoup d’innovations à René Leduc : l’aile fraisée dans la masse, le prisme à vision totale, les servo-commandes, la cabine pressurisée éjectable mais aussi et surtout la « tuyère thermopropulsive », autrement dit, le statoréacteur.

Le projet de René Leduc de faire voler un avion doté d’un statoréacteur remonte dans les années 1930. L’assemblage du Leduc 010, interrompus par la guerre, reprit dès la Libération et il effectuera son premier vol largué (depuis un SE161 Languedoc) et motorisé le 21 avril 1949.

Plusieurs prototypes suivront (Leduc 016, 21 et 22) avec notamment à leurs commandes Yvan Littolff, Jean Gonord, un ancien pilote de l’aéronautique navale, et surtout Jean Sarrail, du Centre d’essais en vol (CEV).

Il fallait oser pour voler sur ces sortes de « lampe à souder »… D’ailleurs, le 27 novembre 1951, Jean Sarrail fut gravement blessé alors qu’il ramenait en urgence le second prototype du Leduc 010, victime d’une baisse brutale de la « pression carburant » due à la casse d’une pièce métallique. Et il lui faudra de longs mois de convalescence avant de pouvoir reprendre son métier…

Devant la trop plein de projets à l’époque (il y avait le Griffon, les avions Dassault, etc…), l’Etat décida de faire des choix. Et cela sonna le glas de la saga des avions Leduc, en 1958.

En juillet 1961, Jean Sarrail eut une nouvelle frayeur après s’être éjecté d’un Mirage III en feu. Il resta pendant 45 minutes dans une mer démontée, avec des creux de 2 mètres. Dans de pareilles circonstances, l’on a de quoi trouver le temps long…

Après avoir poursuivi et terminé sa carrière au CEV d’Istres, le colonel honoraire Jean Sarrail était commandeur de la Légion d’Honneur et grand officier de l’Ordre national du mérite.

Pour aller plus loin : Jean Sarrail a signé « Envols vers l’inconnu« , une autobiographie, en collaboration avec Bernard Bacquié aux Editions Latérales.

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