Syrie : Plaçons la Russie et la Chine devant leurs responsabilités

Depuis le début des troubles en Syrie, ce sont plus de 10.000 personnes qui ont trouvé la mort, d’après les estimations de l’ONU. Le plan Annan devait y mettre un terme, avec notamment l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu. Seulement, comme l’a admis le général Mood, le commandant de la mission des Nations unies (MISNUS), des restrictions sont imposées aux déplacements de ses observateurs, ce qui compromet bien évidemment leur mission.

Ainsi, après l’affaire de Houla, les « bérets bleus » ont été empêché par des tirs de se rendre au village de Mazraat al-Qubeir, où plus de 70 civils auraient été tués par les forces du régime de Bachar el-Assad.

D’ailleurs, Kofi Annan, l’émissaire spécial de l’ONU pour la Syrie, a fait part de ses craintes, le 7 juin, de voir la situation devenir « incontrôlable » tandis que Ban Ki-moon a parlé d’un danger « imminent et réel » de « guerre civile ». « Des terroristes tirent parti du chaos » actuel a ajouté le sécétaire général des Nations unies.

Qui plus est, ces troubles dépassent le cadre syrien étant donné que des affrontements ont eu lieu au Liban, précisément à Tripoli, et que la Turquie a envisagé d’avoir recours à l’article 5 du traité de l’Otan pour protéger ses frontières, ce qui peut être considéré comme disproportionné dans la mesure où ce texte ne s’applique qu’en cas de légitime défense.

Alors, que faire pour régler ce problème? Dans un entretien accordé au Nouvel Observateur, François Heisbourg, conseiller spécial à la Fondation pour la recherche stratégique, suggère de livrer des armes aux rebelles syriens. « C’est faisable, puisqu’on peut se passer du Conseil de sécurité pour ce type d’opération, mais cela nécessiterait de s’assurer du concours des Etats frontaliers » explique-t-il.

Mais des kalachnikov ou des missiles antichars, même bien servis, suffiront-ils pour faire face à des forces régulières disposant de moyens aériens et d’armes lourdes? Pas sûr… d’autant plus que cela n’est pas de nature calmer la répression.

Les rebelles syriens réclament davantage : une intervention militaire internationale à l’image de celle qui eu lieu pour la Libye l’an passé, c’est à dire des frappes ciblées contre les forces loyalistes. Ils ont des avocats pour cela. Seulement, une telle opération est extrêmement compliquée à planifier (les forces syriennes ne sont pas de la même eau que celles du colonel Kadhafi) et, de toute façon, la Russie et la Chine ont prévenu qu’il n’en est absolument pas question. Et comme ces deux pays disposent du droit de veto aux Nations unies, tout débat sur cette option n’est que bavardage.

Pour autant, l’on pourrait imaginer une opération militaire en Syrie, qui n’aurait aucune vocation offensive. Dans le cadre d’un mandat des Nations unies, il serait possible d’y déployer une force d’interposition entre les belligérants, à l’image de ce qui a été fait pour la Bosnie-Herzégovine (FORPRONU) dans les années 1990.

Bien évidemment, une telle mission ne serait sans risque (il est toujours délicat d’être un soldat de la paix dans un pays en guerre… les militaires français ne le savent que trop bien). Mais comme la Russie et la Chine ont toujours eu de bons rapports avec le régime de Bachar el-Assad et qu’ils sont en vue de par leur présence au Conseil de sécurité de l’ONU, alors pourquoi ne pas les placer devant leurs responsabilités en leur proposant de prendre les rênes d’une telle force d’interposition, qui serait bien évidemment internationale, et avec un mandat clair et sans ambiguïtés?

Et cela d’autant plus que ces deux pays ont largement les moyens militaires pour une telle opération, la Russie disposant déjà d’une base en Syrie. Mais en auront-ils la volonté? Car pour le moment, Moscou et Pékin se sont toujours contentés de dénoncer les actions des Occidentaux sans pour autant chercher à amener des solutions alternatives. Mais il est vrai que la posture critique est toujours plus confortable.

En février dernier, la Ligue arabe s’est prononcée en faveur d’une telle force d’interposition. Depuis, le dossier n’a pas avancé d’un iota. Plus récemment, la Belgique a fait la même proposition. « Sans une présence militaire sur le territoire syrien pour assurer le cessez-le-feu, pour soutenir le plan de Kofi Annan, pour protéger les observateurs, pour assurer le cheminement de l’aide humanitaire, on n’obtiendra rien du président syrien », a ainsi déclaré Didier Reynders,le ministre belge des Affaires étrangères, à l’antenne de la radio Bel-RTL, le 30 mai.

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