Elections 2012 : Jean-Luc Mélenchon veut accorder aux militaires le droit de se syndiquer

Pour le candidat du Front de gauche à l’Elysée, Jean-Luc Mélenchon, les questions de défense sont « un sujet qui est souvent extérieur (des débats de la campagne présidentielle) alors qu’il devrait y occuper une place centrale ». Tel a été l’introduction de la conférence qu’il a donnée le 30 mars dernier au Cercle républicain afin de préciser ses intentions dans ce domaine.

Cette allocution était d’ailleurs attendue dans la mesure où le programme du député européen n’aborde que très succintement les affaires militaires, au point même que les mots « armée » et « défense » ne figurent pas dans ce document d’une quarantaine de pages.

Quoi qu’il en soit, lors de sa conférence intitulée « Une défense souveraine et altermondialiste », Jean-Luc Mélenchon a estimé que les Etats-Unis, avec leur complexe militaro-industriel, sont la cause de tout ce qui ne va pas dans le monde étant donné qu’ils ont « besoin d’un ennemi pour justifier leurs dépenses militaires » et que l’Otan n’est que le bras armé de « l’hégémonie nord-américaine ».

Par ailleurs, pour le candidat du Front de Gauche, la doctrine pour l’Alliance atlantique serait inspirée par la théorie du « Choc des civilisations », élaborée par Samuel Hutington. Or, selon lui, cette dernière s’oppose à « l’identité républicaine de la France », qui « n’est pas une nation occidentale mais une nation universaliste ».

On l’aura donc bien compris, d’après Jean-Luc Mélenchon, qui a en outre brocardé le projet de défense antimissile (une défaite stratégique, a-t-il affirmé au magazine DSI), la France n’a rien à faire dans le commandement militaire intégré de l’Otan et devrait se retirer de l’organisation atlantique, de même que de toutes les autres ayant un lien avec l’hégémonie américaine afin de donner ainsi la priorité aux Nations unies, sous le mandat de laquelle – il semble l’avoir oublié – la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF) est engagée en Afghanistan.

A ce propos, Jean-Luc Mélenchon a minimisé le rôle joué par les camps d’al-Qaïda présentes dans ce pays, avec la bienveillance du régime taleb, alors au pouvoir à Kaboul au moment des attentats du 11 septembre 2001. Pour l’euro-député, l’intervention menée par les Etats-Unis n’aurait ainsi eu que des motivations économiques (le fameux pipeline transportant le pétrole exploitée en Asie centrale vers le port pakistanais de Gwadar). Que la région soit infestée de mouvements jihadistes prêts à en découdre avec les puissances occidentales, avec en toile de fonds un pays – le Pakistan – doté de l’arme nucléaire, ne semble pas peser dans sa réflexion…

Quoi qu’il en soit, Jean-Luc Mélenchon propose de mettre en place une alliance « atermondialiste » en proposant des coopérations militaires avec des pays émergents souhaitant d’affranchir de l’hégémonie du dollar et partageant une vision « pacifique et multipolaire du monde ». Ce qui exclurait de facto l’Iran et la Corée du Nord.

Pour cela, le candidat du Front de gauche veut reprendre la main sur le plan diplomatique en proposant que la France se retire du « service diplomatique européen » dirigé par la britannique Catherine Ashton, au prétexte qu’il n’y a pas de « politique étrangère commune » au niveau de l’Union européenne.

Autre aspect développé au cours de cet exposé : la crise écologique. « Pas de doctrine de défense cohérente si l’on intégre pas cette question » a-t-il lancé, car elle est un « facteur d’instabilité et de déstabilisation de l’ordre du monde ». Et, étant donné que la raréfaction de certaines ressources conduira les groupes « capitalistes » à explorer les océans, Jean-Luc Mélenchon, qui a rappelé que la France possède le 2e domaine maritime du monde, a estimé que « les conflits de puissance arriveront sur et dans la mer » à l’avenir.

Quant aux affaires strictement militaires, le candidat du Front de Gauche a indiquer vouloir ramener la dissuasion nucléaire à « son périmètre », c’est à dire qu’elle doit servir uniquement à défendre le territoire français. « Elle ne se délègue pas » a-t-il dit. Au magazine DSI, et à la différence d’autres candidats qui se sont déjà exprimés sur ce sujet, Jean-Luc Mélenchon propose de supprimer la composante aéroportée de la force de frappe française. Dans le même temps, il dit vouloir agir pour un « désarmement nucléaire multilatéral ».

Par ailleurs, il a développé un point somme toute intéressant : celui consistant à développer des armes non létales, comme par exemple la capacité à détruire un satellite ou des réseaux informatiques. Et cela afin de désorganiser un adversaire potentiel, alors que le monde actuel dépend de plus en plus des nouvelles technologies.

Pour cela, Jean-Luc Mélenchon a insisté sur la nécessité de préserver l’indépendance de l’industrie d’armement française. Et de citer, pour illustrer son propos, la pertinence du choix fait en faveur du Rafale par rapport au programme européen Eurofigther.

En outre, Jean-Luc Mélenchon a affirmé sa totale opposition à « l’externalisation des besoins de défense » et, par voie de conséquence, à l’idée d’autoriser la création de sociétés militaires privées. Et il est même allé encore plus loin en proposant de « déchoir de leur nationalité » les citoyens français travaillant pour de telles entreprises.

Pour ce qui concerne les moyens qu’il compte accorder aux forces armées s’il est élu, et alors que son programme prévoit un choc fiscal de 150 milliards d’euros, Jean-Luc Mélenchon pense que le budget de la Défense doit être « stabilisé » et que les programmes d’armement en cours doivent aller jusqu’à leur terme.

Enfin, à la fin de son intervention, le député européen a abordé le statut des militaires. Etant donné qu’il prône l’arrêt de la Révision générale des politiques publiques (RGPP), il compte mettre fin à la déflation des effectifs. A ce sujet, le candidat a dénoncé les « moyens sollicités » pour contraindre les soldats professionnels à quitter l’armée, lequels consistent à les « mettre dans des situations d’injonction paradoxale qui correspondent à des souffrances au travail comme celles que l’on peut constater dans le monde ouvrier et dans le monde professionnel civil ».

« Beaucoup en souffrent » a avancé Jean-Luc Mélenchon. Et « d’abord dans leur vie matérielle » a-t-il ajouté. Aussi, a-t-il émis l’idée qu’il « serait temps (…) que pour ces aspects, et en faisant la distinction bien précise entre ceux qui sont au combat et ceux qui n’y sont pas où évidemment des règles différentes s’appliquent (…) les militaires puissent eux aussi disposer, comme les policiers auparavant, du droit de se syndiquer », auprès de « d’organisations confédérées du travail ».

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