Le coup de folie d’un militaire américain en Afghanistan

Au cours de la nuit du 10 au 11 mars, un militaire américain est sorti – apparemment seul – lourdement équipé de sa base, située dans le district de Panjawi, lequel fait partie de la province de Kandahar. Et, pour une raison encore indéterminée, il est entré dans trois maisons se trouvant dans deux villages différents et a abattu 16 civils afghans. Puis, par la suite, il est retourné à son camp pour se constituer prisonnier.

Après la mise en ligne d’une vidéo montrant des marines uriner sur les cadavres d’insurgés présumés et l’histoire d’exemplaires du Coran brûlés par erreur à Bagram, cette nouvelle affaire ne va pas arranger les rapports entre la coalition internationale déployée en Afghanistan et la population civile, d’autant plus que les insurgés n’attendent que ce genre d’incident pour souffler sur les braises. D’ailleurs, le mouvement taleb, dont la province de Kandahar est le bastion historique, ont promis de venger les victimes.

« Le gouvernement a condamné à maintes reprises des opérations conduites sous le nom de guerre contre la terreur, qui causent des pertes civiles. Mais quand des Afghans sont tués délibérément par des forces américaines, il s’agit d’un assassinat et d’une action impardonnable », a réagi le président afghan Hamid Karzaï, qui a également demandé « des explications au gouvernement américain », avec lequel Kaboul est en train de négocier un accord de partenariat stratégique.

Ce à quoi le commandant de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF), le général John Allen, a répondu qu’il était « déterminé à faire en sorte que toute personne dont la responsabilité aura été établie soit redevable de ses actes ». Et l’officier s’est engagé « après du peuple afghan à ce qu’une enquête rapide et approfondie soit menée ».

« Je suis profondément attristé par les informations qui font état de la mort de civils afghans. Je présente mes condoléances aux familles et aux êtres chers de ceux qui ont perdu la vie et au peuple d’Afghanistan qui a enduré trop de souffrance et de violence », a fait savoir, de son côté, le président Obama.

« Cet incident est tragique est consternant et n’est en rien représentatif du caractère exceptionnel de nos troupes, ni du respect que les Etats-Unis portent au peuple afghan », a-t-il ajouté, tout en promettant l’ouverture d’une enquête pour « établir les faits aussi vite que possible afin de faire rendre des comptes aux responsables. »

Quant à l’auteur de ce massacre, il s’agit d’un sergent âgé de 38 ans. Ce père de deux enfants avait effectué trois missions en Irak avant d’être affecté, pour la première fois, en Afghanistan, où il était arrivé en décembre 2011. Hasard ou pas, toujours est-il qu’il est originaire de la base de Lewis-McChord, située dans l’Etat de Washington.

Et cette dernière a été qualifiée de base « la plus troublée de l’armée américaine » par le journal militaire Star and Stripes à cause de plusieurs incidents ayant impliqué des soldats souffrant de syndrome de stress post-traumatique (SSPT) qui y sont – ou qui y ont été – affectés.

Ainsi, quatre militaires de cette base ont été condamnés, en 2010, pour le meurtre de 3 civils afghans. La même année, un vétéran a assassiné un policier dans l’Utah et, plus récemment, un autre, ancien de la guerre d’Irak, a tué un garde du Parc national du Mont Rainier. Qui plus est, le nombre de suicides, selon CBS, y a augmenté.

D’ailleurs, une enquête a été ouverte afin de voir si les médecins militaires de la base ont été encouragés à ne pas déclarer les SSPT pour des raisons de coûts, cela, afin de limiter la facture des soins à donner aux soldats éventuellement touchés.

Cela étant, ce massacre commis par ce sous-officier n’est pas sans rappeler celui d’Haditha, en Irak, où, le 19 novembre 2005, des soldats américains tuèrent 24 civils pour venger la mort d’un des leurs, victime d’une bombe artisanale quelques temps auparavant. Le responsable de cette tuerie, le sergent Frank Wuterich, a été dégradé et condamné à 90 jours de prison (qu’il n’a pas effectué) par une cour martiale, ses 7 co-accusés ayant été blanchis.

Quoi qu’il en soit, Kaboul a indiqué vouloir juger le responsable du massacre commis dans le district de Panjawi. Seulement, pour le Pentagone, il n’en est pas question, les éventuels crimes et délits commis par ses soldats déployés sur un théâtre d’opérations extérieur relevant toujours de la justice militaire américaine.

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