Suisse : Le risque technologique concernant le Gripen est « très élevé »

En novembre 2011, et dans le cadre d’un appel d’offres visant à remplacer les F-5 Tiger des forces aériennes suisses, Berne a annoncé avoir retenu le Gripen du constructeur suédois Saab aux dépens du Rafale de Dassault Aviation et de l’Eurofighter, proposé par le consortium du même nom.

Seulement, le choix du Gripen est fortement contesté par ceux qui estiment que l’argent dépensé pour l’achat de nouveaux avions de combat pourrait servir à autre chose et aussi par ceux qui aurait préféré un autre appareil…

Depuis, le rapport d’évalution des trois avions en lice, qui aurait dû rester confidentiel, a fait l’objet de fuites dans la presse. Et les conclusions du document sont sans appel : le Gripen n’est pas en mesure de remplir les missions de surveillance aérienne et de police du ciel pour lesquelles il a été pourtant sélectionné.

La diffusion de ce rapport a mis sur la défensive le conseiller fédéral Ueli Maurer, le chef du département de la Défense, de la Protection de la population et du Sport, en charge du dossier. Et le moins que l’on puisse dire est que ses explications pour justifier son choix en faveur du Gripen sont loin d’être convaincantes.

Ainsi, il a affirmé qu’il ne connaissait pas le document en question dont de larges extraits ont été mis en ligne la semaine passée… Avant de se rétracter quelques heures plus tard en faisant valoir qu’il l’avait finalement trouvé « insignifiant ». Car, d’après lui, il y aurait eu d’autres rapports établis depuis novembre 2009, mois au cours duquel celui qui a été publié par la presse a été rédigé. Et le Gripen « aurait beaucoup évolué » selon ses dires. Sauf qu’aucune autre évaluation des trois appareils soumis à l’appel d’offres n’a été faite pendant les deux dernières années, alors que le chef des forces aériennes suisses avait recommandé d’en faire de nouvelles afin de prendre en compte les évolutions apportées à l’avion suédois.

Pour autant, Ueli Maurer n’a aucun doute sur la capacité du Gripen amélioré à répondre aux attentes des aviateurs suisses… Interrogé par la Tribune de Genève, il a expliqué que cela sera le cas car ce sera un nouvel appareil et que « Saab fait des avions depuis des dizaines d’années. » Et d’ajouter : « Nous connaissons le potentiel de développement de cette entreprise quand elle améliore ses produits ».

Seulement, il est prévu d’effectuer 98 modifications au Gripen (11 pour le Rafale, 25 pour l’Eurofighter) pour l’adapter aux exigences suisses. « Je me fais du souci; le risque technologique est trop grand; j’ai peur qu’on se retrouve dans l’impasse, avec des énormes dépassements de coûts, ce qui aboutirait à un scandale encore plus grand » a confié un haut responsable de l’armée suisse au journal Le Matin, lequel précise par ailleurs, sur la foi du rapport d’évaluation jugé « insignifiant » par Ueli Maurer, que le risque technologique concernant l’avion suédois est « très élevé » (noté 2).

Quoi qu’il en soit, les dessous de la sélection du Gripen seront examinés de près par la Commission de politique de sécurité (CPS) du Conseil national. Et c’est justement au Parlement suisse que Dassault Aviation a soumis, le mois dernier, une alternative à l’avion suédois en proposant 18 avions Rafale – nombre jugé suffisant pour les besoins de l’aviation hélvète – pour 2,7 milliards de francs suisses.

De son côté, le consortium Eurofighter s’est tenu jusqu’à présent sur la réserve en ne présentant pas une nouvelle offre. Pourquoi? « Nous ne sommes pas permis de le faire, car cela doit répondre à une sollicitation officielle de la part de nos clients » a fait valoir Claas Belling, son porte-parole pour la Suisse, dans les colonnes de 24heures.ch. On notera au passage que cela n’a pas été le cas pour l’Inde, où le Rafale s’est imposé. Mais le contrat est d’une toute autre ampleur.

Et ce dernier a malicieusement évoqué la dernière proposition qu’aurait faite le consortium aux autorités suisses en octobre 2011, en reprenant des chiffres parus dans la presse, laquelle a parlé d’une offre portant sur 17 Eurofighter pour 2,2 milliards de francs suisse. « C’est donc moins cher que l’offre discount de Dassault pour le Rafale rendu public fin janvier » a-t-il souligné.

Cela étant, le Conseil fédéral suisse a fait savoir, le 16 février, que la procédure d’acquisition des nouveaux avions de combat est « close pour les avionneurs ». Toutefois, la porte n’est pas totalement fermée car dans même temps, il a précisé que les Etats peuvent encore intervenir.

« Les offres des entreprises ne sont plus possibles. Si un Etat veut faire une offre, c’est autre chose. Mais jusqu’à présent, nous n’avons pas reçu de telle offre » a ainsi déclaré la conseillère fédéral Doris Leuthard, sur les ondes de la Radio suisse romande.

 Si les négociations se font au niveau des Etats, sans doute est-ce une occasion pour avancer sur d’autres sujets épineux. Comme par exemple en mettant dans la balance les questions fiscales, sources de tension entre Paris et Berne…

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