L’Otan admet sa responsabilité pour la mort d’adolescents armés en Kapisa

Le 9 février, le président afghan, Hamid Karzaï, a accusé la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF), déployée en Afghanistan sous le commandement de l’Otan, d’avoir tué des enfants au cours d’une frappe aérienne réalisée dans le district de Najrab, en Kapisa, un secteur sous responsabilité française.

Et la présidence afghane d’annoncer l’ouverture d’une enquête, confié à Mohammad Zahir Safi, un conseiller d’Hamid Karzaï. D’après les déclarations faites par le gouverneur de la province de Kapisa, la frappe de l’Otan en question a eu lieu la veille au soir, près du village de Margar et aurait tué 8 enfants.

« Il y a deux nuits, les forces spéciales étrangères ont mené un raid contre une maison de Geyawa. Le lendemain, leurs avions ont procédé à une attaque aérienne contre une maison située dans la même zone » a précisé Abdul Hamid Erkin, le chef de la police de Kapisa. « Sept enfants, âgés de 8 à 15 ans, ont été tués, ainsi qu’un adulte de 20 ans, handicapé mental » a-t-il ajouté.

Le jour suivant la déclaration du président afghan, un article publié par le New York Times a apporté de nouveaux éléments, basés sur des affirmations des autorités provinciales. Ainsi, le quotidien américain a affirmé que les forces françaises engagées dans une opération avec leurs homologues afghanes auraient été trompées par de faux renseignements sur la présence d’insurgés dans le secteur donnés par un informateur.

« Les troupes françaises ont reçu une information de l’un de leurs agents, qui leur a dit qu’il y avait des hommes armés dans cette zone, qui se préparaient à attaquer le gouvernement et les soldats français en Kapisa » a ainsi expliqué au quotidien Mohammad Hussain Khan Sanjani, le président du conseil provincial en Kapisa. Et ce dernier a précisé que les 8 personnes tuées étaient « impliquées dans l’élevage de moutons et de chèvres » et elles étaient « sorties pour nourrir les animaux derrière leur village, sous des arbres ».

Le 13 février, l’ISAF, par la voix de son porte-parole, le général allemand Carsten Jacobson, a reconnu que plusieurs enfants avaient été tués lors de cette frappe réalisée en Kapisa quelques jours plus tôt.

« Ce que nous avons pu déterminer jusqu’ici, c’est qu’un combat a eu lieu contre un groupe d’hommes, qui étaient armés et se comportaient de manière inhabituelle. Ce groupe a été visé par l’aviation de la coalition, qui a respecté toutes les directives tactiques de l’ISAF » a expliqué l’officier, lors d’une conférence de presse.

« A la suite du combat, des victimes additionnelles ont été découvertes, qui étaient des jeunes Afghans d’âges variés » a-t-il ajouté, en précisant qu’il n’était pas en mesure de pouvoir « confirmer ou nier », avec « certitude » et « à ce niveau de l’évaluation », si cela avait un lien « direct avec le combat ».

Puis, deux jours plus tard, l’ISAF a apporté de nouveaux éléments. Ainsi, le général Lewis Bone, son directeur de la communication, a raconté le fil des évènements. Selon lui, les victimes « semblaient porter des armes et se déplaçaient de façon jugée menaçante », ce qui a poussé aux forces de la coalition sur le terrain à demander un appui aérien. « L’avion a lâché deux bombres sur le groupe qu’on pensait être sur le point de menacer nos hommes… Finalement, huit jeunes Afghans ont perdu la vie dans cet évènement tragique » a expliqué l’officier.

Pour le commandant des opérations aériennes de l’ISAF, l’Air Commodore Mike Wigston, « il s’agissait de jeunes Afghans (…) de taille adulte, athlétiques, forts », qui « marchaient dans la vallée ». Et, sur la foi des conclusions des médecins légistes qui ont pu étudier les photographies des corps des victimes, d’ajouter, : « Selon nous, c’était des adolescents d’environ 15-16 ans, dont l’un plus âgé ».

« Ils n’ont pas été bombardés parce que nous pensions que c’était des taliban, des insurgés ou des trafiquants mais parce que nous pensions qu’ils représentaient une menace » a poursuivi l’officier britannique. « Leur taille n’est pas le seul facteur. Il y a aussi le fait qu’ils portaient des armes, la manière dont ils se déplaçaient, dont ils se regroupaient, l’endroit où ils se trouvaient qand les troupes étaient dans la vallée » a encore poursuivi l’Air Commodore Wigston. « S’ils étaient partis dans une autre vallée, ils n’auraient pas représenté de menace et ils n’auraient pas été bombardés. Mais ils étaient dans une position très menaçante » a-t-il insité.

Rien ne permet d’affirmer que le groupe visé appartenant à l’une des factions d’insurgés actives en Kapisa, d’autant plus que la frappe aérienne a été réalisée dans un secteur à majorité tadjike, plutôt favorable aux forces de la Coalition. Mais cela n’empêche pas les infiltrations rebelles et les trafics d’armes. D’autre part, et comme l’a souligné l’Air Commodore Wigston, le fait que des villageois soient armés n’est pas inhabituel en Afghanistan.

Par ailleurs, les insurgés n’ont pas de scrupules à enrôler de très jeunes afghans dans leur lutte. C’est ainsi que l’on a pu voir dans le documentaire « Taliban, Behind the Masks »,réalisé par un journaliste norvégien en 2010, des gamins servir de porteurs d’armes et de munitions pour les combattants rebelles. Et il y a quelques jours, deux enfants de moins de 10 ans ont été arrêtés à Kandahar alors qu’ils s’apprêtaient à commettre un attentat suicide.

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