La justice va enquêter sur l’embuscade d’Uzbeen

En mars 2011, le juge d’instruction Frédéric Digne décidait d’ouvrir une enquête au sujet de l’embuscade d’Uzbeen, au cours de laquelle, en août 2008, 10 militaires français furent tués par les insurgés afghans. Le magistrat avait alors été saisi d’une plainte avec constitution de partie civile déposée par certaines familles de soldats morts au combat pour « mise en danger de la vie d’autrui et non-empêchement de crime ».

Estimant que l’on ne peut pas condamner l’armée pour la mort de soldats en opération, le Parquet de Paris, qui avait déjà classé sans suite une première plainte contre X déposée par les familles, s’est opposé à l’ouverture de cette enquête et a porté l’affaire devant la Cour d’appel de Paris.

Mais cette dernière a finalement donné, ce 30 janvier, le feu vert au juge Digne pour mener ses investigations et déterminer s’il y a eu des manquements de la part de la chaîne de commandement le jour de cette embuscade.

Les familles des militaires tués à l’origine de cette procédure estiment en effet que l’opération menée à Uzbeen, dans le district de Surobi, situé à une cinquantaine de kilmètres de Kaboul, avait été mal préparée, avec des moyens et des renseignements insuffisants.

« C’est une réaction de soulagement parce que, par l’intermédiaire du procureur, l’Etat a tout fait pour que cette instruction ne soit pas ouverte. Il aura fallu se battre mais on va enfin savoir comment ces jeunes soldats sont morts, comment ils ont été sacrifiés » a commenté Me Gilbert Collard, l’avocat d’une des familles, au sujet de la décision de le Cour d’appel de Paris.

« On n’a jamais dit qu’un militaire, quand il endossait un uniforme, n’endossait pas sa mort possible. En revanche on a toujours dit qu’on n’avait pas le droit d’envoyer des soldats à la mort sans leur donner les moyens de se défendre, sans leur donner les moyens d’échapper à un guet apens construit par la négligence, par le laxisme de la hiérarchie » a-t-il encore ajouté, en précisant qu’il comptait demander la déclassification du rapport concernant l’embuscade d’Uzbeen ainsi que l’audition de témoins.

Outre cette affaire, une autre plainte a été déposée en octobre dernier auprès du Tribunal aux armées par un capitaine et un adjudant du 3ème Régiment de Génie pour « atteintes involontaires à l’intégrité de la personne » à cause de l’explosion d’une mine qui, en novembre 2008, près du camp de Darulaman, au sud de Kaboul, coûta la vie à l’adjudant Nicolas Rey.

Ces deux procédures posent la question de la « judiciarisation » des opérations militaires et peuvent laisser penser qu’un militaire tué en mission de guerre n’est pas un combattant mais une « victime » d’un « fait divers ». Une tendance contre laquelle le chef d’état-major des armées (CEMA), l’amiral Edouard Guillaud, a mis en garde, lors de ses voeux aux armées.

« L’esprit de décision des chefs militaires ne doit pas être inhibé par la prise de risque inhérente au métier des armes » a-t-il affirmé. « Un soldat qui meurt au combat n’est pas une victime. C’est d’abord un homme ou une femme qui va au bout de son engagement » a-t-il ajouté.

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