L’information judiciaire ouverte pour corruption ne remettra pas en cause le début du chantier du Pentagone français

Les deux juges d’instruction désignés par le Parquet de Paris en février dernier, dans le cadre d’une information judiciaire visant d’éventuelles irrégularités concernant l’attribution du marché portant sur la construction du futur Pentagone français, n’ont, pour l’instant, « rien demandé à personne et en tous cas pas au ministère », selon Gérard Longuet, le ministre de la Défense, qui s’est exprimé le 7 décembre lors de l’émission Questions d’Info, diffusée par LCP.

Le locataire de l’Hôtel de Brienne a dans le même temps assuré que ses services se tenaient « à la disposition du magistrat toutes les informations dont il aura besoin » au sujet de ce dossier. Il est en tout cas bien curieux que l’enquête ne se soit pas tournée vers le ministère de la Défense depuis qu’elle a été ouverte… Et que du côté de Bouygues, l’on affirme ne pas être au courant des investigations en cours.

Pour rappel, la construction de ce Pentagone français, qui doit regrouper, dès 2014, l’ensemble des services du ministère de la Défense implantés à Paris sur le site de Balard, dans le XVème arrondissement de la capitale, a été confié à un groupement emmené par Bouygues., dans le cadre d’un « Partenariat Public-Privé » (PPP). En clair, l’entrepreneur va prendre en charge les 600 millions d’euros que va coûter ce chantier, en échange de quoi il recevra une redevance de 100 à 150 millions d’euros pendant 27 ans. Le montant de cette dernière comprend la fourniture de services annexes, tels que la maintenance, les systèmes de communication, l’entretien, etc…

Cela étant, l’existence de cette information judiciaire pour corruption et trafic d’influence laisse craindre une annulation du marché, ce que les deux autres concurrents de Bouygues qui étaient en lice pour remporter ce contrat pourraient demander devant la justice. Et cela retarderait d’autant la construction du « Balardgone », qui est une des mesures emblématiques de la réforme des armées, entreprise dès 2008. La cession des différentes emprises parisiennes actuellement occupées par les service du ministère de la Défense apporterait, au minimum, 600 millions d’euros de recettes supplémentaires au budget de ce dernier.

Cependant, le ministre de la Défense a écarté cette hypothèse. Selon lui, la procédure en cours « ne bloque pas le chantier », qui doit commencer en février prochain. « C’est un chantier important qui est indipensable au fonctionnement nouveau d’un ministère moderne » a-t-il expliqué. Aussi, il a indiqué « ne pas penser à cet instant de l’instruction » que le contrat notifié à Bouygues puisse être remis en cause.

« Si quelqu’un a été lésé, il peut faire valoir ses droits » a-t-il toutefois admis. Mais pour autant, il ne sera question de refaire un appel d’offres, expliquant « qu’il y avait une façon d’indemniser quelqu’un qui aurait été lésé qui existe dans le droit, c’est la réparation ». Seulement, au regard des sommes en jeu, les compensations accordées le cas échéant pourraient être conséquentes…

Par ailleurs, Jean-Yves Le Drian, le spécialiste « Défense » de l’équipe de François Hollande, le candidat socialiste à la prochaine élection présidentielle, a publié un communiqué conjoint avec Bernard Cazeneuve, au sujet de cette affaire.

« Sur le plan juridique, nous n’avons cessé de dénoncer l’inquiétante opacité qui régnait autour de ce projet et notamment autour des conditions d’attribution de l’appel d’offres » ont fait valoir les deux responsables socialistes.

« Sachant que le dossier de Bouygues n’est pas conforme au plan local d’urbanisme de la Ville de Paris, comment ne pas s’étonner que l’Etat ait retenu ce projet, alors que d’autres offres respectaient cette clause ? », ont-ils ajouté, en s’interrogeant également sur « l’intérêt budgétaire de ce ‘Balardgone' » qui « coûtera à l’Etat la bagatelle de 4,2 milliards d’euros. A l’heure de la règle d’or, quel est l’intérêt de ce projet pour les deniers publics? » Et d’exiger « la plus grande transparence de la part de l’Etat » et de souhaiter « vivement que le juge désigné aura les moyens de réaliser sa mission sans entrave ».

Au moment de l’annonce officielle du choix de l’entrepreneur retenu pour lancer le chantier du « Balardgone », le ministère de la Défense avait souligné qu’il avait fallu « 160 auditions ou réunions et plus de 360 heures de débat » pour déterminer la meilleure offre. Et c’est ce qu’a rappelé Gérard Longuet. « Ce n’est pas un petit noyau refermé (qui a décidé), c’est neuf groupes de travail, trois ans de travail, 130 personnes. Tout cela est très, très transparent », a-t-il affirmé.

Pour aller plus loin : L’on peut trouver tous les détails financiers concernant le Pentagone français dans le rapport concernant le budget opérationnel de la Défense, établi au nom de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, dans le cadre du projet de loi de finances 2012.

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