Avec une section française en Afghanistan

Alors que la province de Kapisa, en Afghanistan, a été fermée l’hiver dernier à la presse française après l’enlèvement de deux journalistes de France3, le photographe indépendant Jean-Christophe Hanché, déjà auteur de plusieurs reportages remarqués, a eu l’autorisation de suivre, au quotidien, une section du 7ème Bataillon de Chasseurs Alpins (BCA), unité qui a principalement le Groupement tactique interarmes (GTIA) Allobroges.

Et il en a ramené un document exceptionnel qui a pris la forme d’un livre, intitulé sobrement « Kapisa, Afghanistan« . Entre journal de bord et témoignage, cet ouvrage, qui réunit 300 photographies parmi les 24.000 qui ont été prises en deux temps (en février et en mai), raconte la vie des militaires français déployés dans cette province afghane, entre opérations, patrouilles, attaques d’insurgés, attentats et les rares moments de détente.

La démarche de ce photographe a de quoi séduire. Elle fait penser à celle d’un Joseph Kessel, qui reste, pour beaucoup, la référence en matière de journalisme.

Pour Zone Militaire, Jean-Christophe Hanché a bien voulu à répondre à trois questions :

1- Après l’affaire Ghesquière et Taponnier, quel a été l’accueil que vous ont réservé les militaires du 7ème BCA? Ont-ils depuis vu votre travail?

J’ai eu la possibilité de préparer ce reportage pendant les manoeuvres de JALALABAD 2010 à Bourg St Maurice avec le 7eme BCA. Cela m’a permis, en plus de me tester sur le terrain avec l’équipement de rencontrer en France ceux que je retrouverais ensuite en Afghanistan. ce premier contact d’une semaine en leur compagnie m’a je pense facilité les choses pour l’accueil en Afghanistan. Bien sûr ils ont été nombreux à me parler des deux journalistes retenus en otage, et surtout des risques qu’ils ont du prendre depuis leur capture pour réaliser des missions particulières en vue de leur libération. De plus, ma façon de travailler, en étant au quotidien avec eux, dans une durée assez longue, leur a je pense, permis de me considérer différemment d’un journaliste traditionnel qui passe peu de temps en leur compagnie et est toujours accompagné d’un officier de communication.

Ils ont vu mon travail depuis mon retour puisque beaucoup d’entre eux ont participé à la collecte de fonds pour le financement du livre et l’ont donc reçu à sa sortie en octobre. J’ai depuis mon retour beaucoup de courriers (mail ou postal) de militaires ou de familles qui me témoignent une gratitude assez inattendue pour moi car ils trouvent dans ce travail une reconnaissance qui leur fait défaut depuis longtemps. Ce n’était pas mon objectif de départ mais je suis content si ce documentaire photo et les textes de ce livre ont pu permettre à certains de voir leur travail mis en lumière. Certains m’ont aussi confié que cela leur permettait de pouvoir faire comprendre ce qu’ils avaient vécu pendant 6 mois et qu’ils ne parvenaient pas à raconter à leur famille…

2- Quel est le souvenir le plus marquant que vous gardez de vos séjours en Kapisa?

J’ai l’embarras du choix pour ce qui est des souvenirs marquants… et je ne voudrai pas mettre en avant un souvenir au détriment d’un autre. Plusieurs souvenirs me reviennent, des regards échangés pendant des patrouilles, des éclats de rire entre eux, des gestes ou des marques d’attention qu’ils ont eu pour moi sur le terrain à certains moments, les innombrables paroles d’encouragement pour ce projet que je portais seul, et encore beaucoup d’autres moments que je ne suis pas près d’oublier…

3- Comment la présence des militaires français est-elle perçue chez les civils afghans? Et quel regard portez-vous sur les troupes afghanes?

Il est difficile d’évaluer la perception des afghans quant à la présence de l’armée française en Kapisa en raison du peu de contact direct avec la population. rares sont les moments d’échange avec la population, très rares même. Lorsque les sections arrivent dans des zones d’habitation la population se cache chez elle ou s’enfuie pour ne pas se trouver au milieu d’éventuels combats. Restent alors seulement quelques enfants qui quémandent des biscuits et quelques rares personnes âgées silencieuses… Les hommes entre 18 et 40 ans sont étrangement quasi absents partout où je me suis rendu… Difficile donc de savoir ce qu’ils pensent de la présence française…

Concernant l’ANA, j’avais entendu avant mon départ le leitmotiv « Pas un pas sans l’ANA » et m’attendais à les cotoyer au quotidien à chaque sortie en mission ou en patrouille. Cela n’a pas été le cas. A part des grosses opérations où plusieurs compagnies de combat françaises et des kandaks afghans étaient engagés ensemble, je n’ai pas passé beaucoup de temps avec l’ANA. J’étais avec une section de combat et je n’ai pas non plus suivi les OMLT en charge de la formation de l’ANA. J’ai entendu dire beaucoup de choses à leur sujet, souvent contradictoires, mais à plusieurs reprises j’ai entendu le scepticisme quant au devenir de cette jeune armée une fois que les troupes étrangères se seront retirées. En effet le système de la société afghane est tellement différent du nôtre que l’allégeance à un pouvoir local est souvent bien plus importante que la loyauté à un pouvoir central, en l’occurrence celui de Kaboul…

Kapisa, Afghanistan – 240 pages, 300 photographies – 25 euros. Ce livre, auto-édité, peut être commandé sur le site de l’auteur : http://www.kapisa-afghanistan.com

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