Le Sénat conteste l’achat du drone Heron TP

L’on pouvait s’en douter lors des auditions des responsables du ministère de la Défense par la Commission des Affaires étrangères et de la Défense nationale du Sénat. En effet, au cours de ces dernières, le choix de l’Hôtel de Brienne en faveur du drone MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) Heron TP francisé avait été vertement contesté par des sénateurs de droite comme de gauche, lesquels considéraient le MQ-9 Reaper du constructeur américain General Atomics plus compétitif.

Et cette opposition à l’offre soumise par Dassault Aviation, en collaboration avec l’israélien IAI, qui produit le Heron TP, s’est confirmée avec l’annulation par la Commission du Sénat d’une partie des 318 millions d’euros de crédits qu’il est prévu d’allouer pour financer cet achat. Les sénateurs ont joué fin : selon le magazine Challenges, ils ont voté un budget dédié à l’acquisition de drones d’un montant de 209 millions, lequel correspond à la somme qu’il aurait fallu débourser pour des MQ-9 Reaper.

Cette coupe de 109 millions d’euros dans le projet de loi de finance 2012 correspond en effet à l’écart de prix entre le Heron TP francisé et le drone MALE américain. Quant au choix en faveur de l’offre proposée par Dassault Aviation, le ministre de la Défense, Gérard Longuet, a déjà indiqué qu’il avait fait « jouer la préférence nationale ».

« Dassault ayant su renouer une coopération avec son partenaire israélien autour de ce projet, il était important pour moi que notre industrie demeure présente dans cette filière quand bien même cette solution devrait être plus coûteuse que si nous avions eu recours au Reaper proposé par General Atomics, son concurrent américain  » a-t-il déclaré en octobre dernier, lors de son audition par les sénateurs.

Seulement, en ces temps de rigueur budgétaire, les gains attendus de la solution du Heron TP, nettement plus chère que celle du MQ-9 Reaper, seront-ils à la hauteur des espérances? Rien n’est moins sûr.

Il avait été dit que le choix du Reaper allait porter un coup aux capacités industrielles françaises en matière de drone. Sauf que l’on voit mal ce que l’appareil israélien francisé apportera de plus, si ce n’est qu’il permettra d’attendre que le drone Telemos, développé par BAE Systems et Dassault Aviation, soit prêt. Car le constructeur IAI est un partenaire difficile. Et EADS est bien placé pour le savoir, le groupe européen ayant produit en collaboration avec ce dernier le drone Harfang, actuellement en service dans l’armée de l’Air. D’autre part, le choix fait dans les années 1960 d’acquérir des avions ravitailleurs américains KC-135 n’a pas empêché Airbus de développer l’A-330 MRTT et d’entrer en concurrence sur ce segment avec Boeing.

Par ailleurs, alors que l’on parle de mutualisation de capacités de défense entre pays européens, il est à souligner que, par exemple, le Royaume-Uni et l’Italie sont déjà des utilisateurs du drone MQ-9 Reaper, dont la technologie est éprouvée.

Autre élément : le chef d’état-major de l’armée de l’Air, le général Palomeros, a indiqué vouloir un drone armé. Si l’appareil américain a cette capacité, le flou persiste au sujet du Heron TP…

Cela étant, et comme le dernier mot revient à l’Assemblée nationale, qui n’a pas manifesté la même opposition que les sénateurs sur ce dossier, le choix du Heron TP devrait être finalisé. Sauf si Premier ministre réunit une commission mixte paritaire pour concilier les positions des deux assemblées sur cette affaire. A ce moment-là, un revirement sera toujours possible.

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