Pakistan : Un memo fait polémique

Autant le dire tout de suite : ce qu’il se passe au Pakistan n’est pas toujours facile à suivre. D’un côté, l’armée pakistanaise, toute puissante, joue sa partition. De l’autre, le pouvoir civil, doit composer tout en ayant des relations compliquées avec les militaires.

C’est en tout cas ce que suggère un memo adressé au chef d’état-major interarmées américain, qui était à l’époque l’amiral Mike Muellen, après le raid des Navy Seals contre le repaire de Ben Laden, à Abbottabad, en mai dernier.

L’existence de ce document a été révélé en octobre par un homme d’affaires, Mansoor Ijaz, qui a publié un article dans le Financial Times. Il a ainsi raconté comment il avait été contacté par l’ambassadeur pakistanais aux Etats-Unis, Husain Haqqani, pour transmettre un memo à l’amiral Muellen, lequel aurait été dicté par le président Asif Ali Zardari.

Il était ainsi demandé aux Etats-Unis de faire pression sur les responsables de l’armée pakistanaise pour qu’il ne soit pas tentés de réaliser de renverser le gouvernement civil en place par un coup d’Etat.

En échange de quoi, le président Asif Ali Zardari promettait de démanteler la S-Wing, la structure qui fait partie de l’Inter-Services Intelligence (ISI), les puissants services secrets du pays, soupçonnée d’apporter un soutien aux insurgés afghans, de créer une commission d’enquête chargée d’identifier les éléments qui ont apporté une aide à al-Qaïda et d’autoriser les forces spéciales américaines à conduire des opérations contre les dirigeants jihadistes (Ayman al-Zawahiri, Mollah Omar et Sirajuddin Haqqani), cette carte blanche prouvant qu’ils sont bien au Pakistan. Enfin, la transparence sur le programme nucléaire pakistanais a également été évoquée dans ce memo.

Devant le tollé soulevé par ces révélations, les intéressés ont, dans un premier temps, démenti l’existence de ce document. La présidence pakistanaise tout d’abord, qui a nié catégoriquement. Puis l’amiral Muellen, qui a depuis laissé la place au général Dempsey. Seulement, l’ancien chef d’état-major interarmées américain a été finalement forcé de reconnaître qu’il avait bien reçu le memo en question, sans pour autant y donner suite, comme il l’a précisé au magazine Foreign Policy, qui en publié le contenu.

C’est qu’entre-temps, Mansoor Ijaz a produit les preuves ce qu’il a avancé, en donnant au quotidien pakistanais The News les courriels qu’il a échangés avec Husain Haqqani. Ce dernier, qui réfute les allégations de l’homme d’affaires a été rappelé à Islamabad pour qu’il fournisse des explications. Il a mis sa démission sur la table. Et une enquête dervrait être ouverte pour vérifier l’authenticité de cette note.

En attendant, cette affaire pose plusieurs questions. Sous réserve que ce memo soit vrai – et il faudrait être particulièrement machiavélique pour inventer une histoire pareille, ce qui n’est toutefois pas exclu – il reste à savoir pourquoi et dans quel intérêt Mansoor Ijaz a rendu public ce document. Pour faire parler de lui? Pour mettre en difficulté le président pakistanais? Autre élément troubant de cette affaire : et toujours si elle est authentique, pour quelles raisons les Etats-Unis auraient refusé l’offre faite par Zardari?

Quoi qu’il en soit, ce qui est certain, c’est que le climat politique au Pakistan est détestable. Ainsi, selon le ministère pakistanais de l’Intérieur, environ 150 élus pakistanais ont récemment reçu des menaces de mort par sms pour les inciter à démissionner de leurs fonctions…

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]