Les bombes de l’armée de l’Air ne seront plus fabriquées en France

La situation peut paraître paradoxale : alors que les Rafale, Mirage F1CT et autres Mirage 2000D effectuent des frappes aériennes en Libye, la Société des Ateliers Mécanique de Pont-sur-Sambre (SAMP) a arrêté la production de corps de bombes de différents modèles, comme les Mk81 (125 kg), Mk82 (de 250 kg), Mk83 (460kg) en encore les P250.

Cet arrêt est motivé, selon le Pdg de la SAMP, Christian Martin, par le manque de commandes de la part de l’Etat. De 2004 à 2009, cette PME créée en 1947 dans le Nord de la France n’en a effectivement reçues aucune. En compensation, elle a obtenu des crédits pour mener des recherches sur la bombe pénétrante P250 ainsi que des avances remboursables pour la commercialisation de cette munition à l’exportation.

En 2009, et dans le cadre du plan gouvernemental de relance de l’économie, il a été annoncé que la SAMP allait obtenir une commande anticipée portant sur l’achat de 1.200 bombes Mk82 ainsi qu’un financement pour la conception de nouvelles munitions. En décembre 2010, elle affichait un chiffre d’affaires de plus de 3 millions d’euros mais un résultat net de -340.000 euros.

Mais, en juin 2011, le patron de cette PME, unique en France, a annoncé l’arrêt, pour octobre, de la production de corps de bombe, son carnet de commandes étant déséspérement vide depuis deux ans. Neuf salariés ont été licenciés dans un premier temps, quatre autres devaient connaître le même sort cet automne.

Pour Christian Martin, l’Etat n’aurait pas tenu les engagements pris par Hervé Morin, l’ancien ministre de la Défense. « On avait une petite bombe à pénétration. Pour avoir des commandes étrangères, il fallait d’abord que la France en achète, pour une question de qualification. M. Morin nous avait promis une commande pour 2,5 millions d’euros, on ne l’a jamais eue… » a-t-il accusé en juin dernier.

Ce que l’intéressé a vigoureusement démenti. « L’entreprise était au bord du dépot de bilan quand je suis venu à Pont-sur-Sambre en 2009. Le pdg a bénéficié pour son usine de 5 millions d’euros conformément au plan de relance. On a commandé 1200 corps de bombes dont l’urgence était loin d’être avérée sachant qu’il fallait sauver l’entreprise et ça a été soldé en novembre 2010 » a expliqué Hervé Morin. « En revanche, le pdg de la SAMP voulait que l’armée française fasse une nouvelle commande dont celle-ci ne voulait pas. C’est fort de café de reprocher à un ministre de ne pas respecter ses engagements. Les armées françaises ne sont pas un système pour subventionner des munitions dont les militaires n’ont pas besoin. En ce qui me concerne, j’ai tenu mes engagements » a-t-il fait valoir.

En attendant, le problème est qu’en la matière, la France sera désormais dépendante du bon vouloir d’un pays étranger pour, par exemple, la livraison de bombes Mk82 qui sont associées au kit de précision A2SM (armement air-sol modulaire), ce dernier pouvant également fonctionner avec la BLU 111 et le CBMES (corps de bombes à effets multiples sécurisée, développé ar MBDA).

Du côté du ministère de la Défense, dans une réponse faite le 27 septembre dernier à madame le député Patricia Adam (PS), l’on indique que « compte tenu du niveau déjà très important des stocks de munitions détenus par les armées françaises, et malgré l’utilisation faite de ces corps de bombes sur le théâtre libyen notamment, aucun besoin de recomplètement n’est actuellement identifié » et que « le constat des difficultés croissantes que rencontre depuis plusieurs années la direction de la SAMP justifie a posteriori les appels répétés de la DGA lui recommandant de s’engager dans une procédure de diversification ou d’adossement à un industriel de la défense. Cette réforme structurelle lui aurait permis d’accéder rapidement à un plus large portefeuille de clientèle à l’exportation dont elle avait impérativement besoin, permettant ainsi de valoriser ses savoir-faire. »

Quant à la SAMP, elle ne devrait pas fermer ses portes. Du moins, pour le moment. Son patron souhaite en effet maintenir son centre d’études et réorienter l’activité de son entreprise vers le secteur civil, comme par exemple l’automobile ou l’industrie ferroviaire.

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