Afghanistan : Le chef d’état-major interarmées américain remet les pendules à l’heure avec le Pakistan

Avant de laisser son fauteuil de chef d’état-major interarmées au général Dempsey, l’amiral américain Mike Mullen a mis de côté le langage diplomatique pour dénoncer publiquement le soutien accordé par le Pakistan aux mouvements insurgés afghans, et plus précisément au réseau Haqqani, suspecté d’être derrière l’attaque du quartier général de l’Otan et de l’ambassade des Etats-Unis à Kaboul, la semaine passée.

Ainsi, l’officier a décoché sa première flèche à l’occasion d’un discours prononcé le 20 septembre devant le Carnegie Endowment for International Peace. Evoquant son entrevue avec son homologue pakistanais, le général Ashfaq Kayani, quelques jours plus tôt, l’amiral Mullen a indiqué avoir « parlé de (…) de la nécessité d’un désengagement du réseau Haqqani et, précisément pour l’ISI (ndlr, Inter Services Intelligence, les services secrets pakistanais) de rompre avec Haqqani et avec cette guerre qu’il mène par procuration ». Et de préciser : « L’ISI le fait (…) depuis un bon moment. C’est une stratégie dans le pays et je pense que cette approche stratégique doit changer ».

Vous avez bien lu : l’amiral Mullen a parlé, et c’est la première fois dans la bouche d’un haut responsable américain, de « guerre par procuration » menée par les services pakistanais. Pour les stratèges d’Islamabad, le danger vient avant tout de l’Inde, l’ennemi historique depuis l’indépendance. Et dans cette rivalité, le Pakistan a besoin de l’Afghanistan pour avoir ce que l’on appelle une « profondeur stratégique ». D’où son rôle plus qu’ambigu avec les mouvements rebelles afghans, afin de pouvoir influencer Kaboul quand les troupes de l’Otan auront quitté le pays.

Et, ce 22 septembre, l’amiral Mullen a récidivé. Devant la Commission de la Défense du Sénat américain. « En choisissant d’utiliser l’extrémisme violent comme instrument politique, le gouvernement pakistanais – et plus spécifiquement l’armée pakistanaise et l’ISI – compromet non seulement la perspective d’un partenariat stratégique avec nous mais aussi l’opportunité pour le Pakistan d’être une nation respectée jouissant d’une influence régionale légitime » a-t-il affirmé.

« Le réseau Haqqani agit comme le véritable bras de l’ISI pakistanais » a encore déclaré l’amiral Mullen. Et de prévenir, toujours à propos du réseau Haqqani : « S’ils continuent de tuer nos troupes, nous ne resterons pas les bras croisés à regarder ». Ces derniers propos viennent en écho à ceux tenus la semaine dernière par Leon Panetta, le secrétaire américain à la Défense. Il avait parlé de « mesures appropriées » si Islamabad ne s’engageait pas à faire le ménage sur son sol.

Le réseau Haqqani est surtout implanté dans le Nord-Waziristan, la zone tribale pakistanaise à partir de laquelle il lance ses attaques en Afghanistan. Fondé par un vétéran de la guerre contre les Soviétiques, il est proche d’al-Qaïda et du mouvement taleb afghan du mollah Omar, à l’égard duquel il a toute son autonomie opérationnelle. Ses militants sont surtout actifs dans les régions afghanes situées le long de la ligne Durand.

Quant au Pakistan, il a une nouvelle fois démenti la présence du réseau Haqqani sur son territoire. Ainsi, Islamabad a promis de prendre les dispositions nécessaires si les Etats-Unis apportent la preuve du contraire. Il est toujours utile de rappeler que le gouvernement pakistanais a nié à plusieurs reprises qu’Oussama Ben Laden s’était réfugié sur son sol, alors qu’il vivait caché à Abbottabad, le « Saint-Cyr » pakistanais, distant de quelques dizaines de kilomètres de la capitale du pays.

Depuis le 11 septembre 2001, Washington a fourni une aide financière considérable à Islamabad, alors vu comme étant un allié incontournables dans la guerre contre le terrorisme. Mais cet argent n’est pas allé là où il aurait dû. En août 2009, l’ancien président pakistanais, le général Pervez Musharraf avait avoué que les ressources accordées par les Etats-Unis avaient servi à renforcer la frontière avec l’Inde. Et sans doute qu’une partie a été détournée pour financer le programme nucléaire du pays, alors dans une situation économique désastreuse.

« C’était dans l’intérêt du Pakistan, voilà pourquoi j’ai agi ainsi. (…) Et je me moque bien de savoir si cela met les Etats-Unis en colère » avait affirmé l’ancien homme fort d’Islamabad. C’est sûr qu’avec des alliés comme ça, on n’a pas besoin d’ennemi.

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