Le budget de la Défense amputé de 230 millions d’euros

En France, et quel que soit le gouvernement, quand on fait mine de vouloir régler un problème, on crée un comité « Théodule », dont les membres désignés rédigeront, dans le meilleur des cas, un rapport qui finira dans un tiroir. Et quand l’Etat manque d’argent, il invente une nouvelle taxe, comme par exemple avec celle, récente, sur les sodas, et taille dans les crédits de ses ministères, en particulier dans ceux alloués à la Défense. Comme ça, on évite de se prendre le bec avec les syndicats et puis, c’est bien connu, personne n’ira se plaindre, les militaires étant habitués à faire plus avec moins.

Et pour la lettre rectificative au projet de loi de finances rectificative pour 2011 (sic! on rectifie décidemment beaucoup), qui doit permettre de ramener le déficit public de 5,7% à 4,5% du PIB d’ici 2012, cette règle sera une nouvelle fois appliquée, d’autant plus que les prévisions de croissance ont été revues à la baisse (1,75% pour 2011 et 2012, contre respectivement 2% et 2,25% attendus).

Pourtant, l’on sait, grâce à un rapport de l’Inspection des finances, que plus de 50% des niches fiscales et sociales sont inutiles ou peu « efficientes » et qu’elles créent un manque à gagner pour l’Etat de 39,7 milliards d’euros par an. L’on sait également, par un autre document, d’origine parlementaire cette fois, que le montant des fraudes sociales en France s’élève à 20 milliards d’euros annuellement.

Et selon le chroniqueur économique du Figaro, Yves de Kerdrel, aux opinions libérales pas forcément du goût de tout le monde, les 35 heures dont la majorité a dit pis que pendre lorsqu’elle était dans l’opposition, ont coûté au pays, en allégements de charges sur les bas salaires, 66 milliards d’euros entre 2000 et 2003 et 102 milliards de plus depuis 2004, le tout en détruisant plus d’emplois qu’elles en ont suscités, d’après l’OCDE (*).

Et en cherchant encore, avec un peu plus de courage politique, l’on pourrait certainement trouver d’autres gisements d’économies… Par exemple, Pierre Lellouche, actuellement secrétaire d’Etat au Commerce extérieure, avait pointé en avril 2008 la « gabegie » de la « formation professionnelle », qui coûterait selon lui « 26 milliards d’euros ». « Ce qui me frappe, c’est sa légèreté et sa désinvolture. Parler de défense, ce n’est pas seulement une affaire comptable. Je suis un peu surpris (…) car c’est un sujet extrêmement grave qui engage le pays pour 30 ans » avait-il déclaré au sujet d’Hervé Morin, alors aux manettes à l’Hôtel de Brienne, sur les ondes de RTL, à l’époque où il était encore député, membre de la Commission de la Défense de l’Assemblée nationale.

Quoi qu’il en soit, les mêmes ficelles seront utilisées pour trouver de l’argent et, ainsi, des annulations de crédits à hauteur de 460 millions d’euros ont été annoncées afin de compenser des dépenses exceptionnelles déjà engagées (comme les l’amende des frégates de Taïwan par exemple?).

Lors de l’examen de cette lettre rectificative à l’Assemblée nationale, le 31 août, si les députés ont retoqué la hausse de la TVA sur les parc à thème et reporté, de 2012 à 2015, les abattements sur les plus-value mobilières, ils ont en revanche confirmé les annulations de crédits. Et c’est ainsi que le budget du ministère de la Défense et des Anciens combattants se voit amputé de 230 millions, soit la moitié de l’effort demandé.

Déjà, l’an passé, il avait été demandé au ministère de la Défeense de réaliser 3,6 milliards d’euros d’économies sur trois ans, lesquelles auraient dû être compensées par des gains de productivité (grâce aux bases de défenses), des recettes exceptionnelles qui tardent toujours à venir et aux réductions d’effectifs.

Mais il restera aussi à financer le dépassement prévisible des surcoûts liés aux opérations extérieures (opex). Et la note va être salée avec les missions en Libye et en Côte d’Ivoire, qui n’avaient pas été prévues. Mais sans doute devrait-on utiliser, là encore une vieille recette.

Cela tombe en effet bien, quelques patrons du CAC40 et grandes fortunes, qui rémunèrent à longueur d’année des avocats fiscalistes pour réduire leur imposition, ont signé la semaine passée une pétition pour augmenter leurs contributions au budget de l’Etat. Et comme certains groupes qu’ils dirigent ont des intérêts en Côte d’Ivoire, ou lorgnent sur d’éventuels contrats dans la Libye post-Kadhafi…

(*) Chronique publiée par le Figaro du 30 août 2011

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