Budget : L’avenir risque d’être compliqué pour l’équipement des armées

Pour conserver sa note « triple A » donnée par les agences de notation, la France va devoir faire preuve de davantage de rigueur dans ses dépenses publiques. Pour 2012, le gouvernement cherche ainsi 10 milliards d’euros d’économies pour ramener le déficit à 4,6% du PIB, puis à 3% en 2013.

Pour le moment, l’on ignore encore qui va payer la note. La mise à contribution des très hauts revenus est l’une des pistes, de même que le « rabotage » ou la suppression de niches fiscales (comme celle dite « Copé », du nom de son créateur, qui vise à exonérer d’impôt les plus-values faites par les entreprises lors de la cession de leurs filiales et qui a coûté 22 milliards d’euros en 3 ans…). Les impôts pourraient aussi augmenter et les transactions financières seraient susceptibles d’être taxées. Mais ce qui est certain, en revanche, c’est que l’effort de baisse des dépenses publiques sera maintenu.

Dans ce contexte, et avec le surcoût des opérations en Libye qui reste encore à financer, on voit mal le budget de la Défense augmenter, comme cela avait été fixé par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (LBDSN) de juin 2008, lequel prévoyait une hausse des ressources allouées aux armées de 1% par an en volume à partir de 2012 (soit 1% de plus que l’inflation). Normalement, ces dépenses doivent être financées par les restructurations, lesquelles se traduisent par une déflation des effectifs et une réduction des coûts de fonctionnement.

Au total, d’ici à 2020, l’effort militaire de la France devrait être de 377 milliards d’euros, avec un budget d’équipement annuel de 18 milliards en moyenne. Seulement, pour 2011, la « trajectoire initiale des ressources », pour reprendre l’expression d’Hervé Morin, alors ministre de la Défense en novembre 2010, a déjà été modifiée afin de dégager 3,6 milliards d’euros d’économies.

Ainsi, en 2011, le budget consacré aux équipements est de 16 milliards d’euros. Il est prévu de le porter à 16,8 et à 17,4 milliards pour les deux exercices suivants. A moins qu’il y ait des changements politiques et économiques d’ici là, étant donné que 2012 sera une année électorale et que le LBDSN fera l’objet d’une révision en fonction des nouveaux paramètres…

Même si un effort conséquent a été accompli depuis 2008 (arrivée du Caesar, du VBCI, du PVP, des hélicoptères Tigre, du Rafale F3, du missile SAMP-T, et des systèmes Felin, commandes des 3 dernières frégates multimissions, du 3e sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda, construction d’un 3e BPC, Missile M51, etc…), il n’en reste pas moins que d’autres équipements majeurs, voire cruciaux, sont attendus d’ici 2020.

Tout d’abord, pour les forces terrestres, l’urgence absolue porte sur le remplacement des Véhicules de l’avant-blindé (VAB) par le Véhicule blindé multi-rôle (VBMR). C’est la priorité du général Irastorza, le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), qui l’a indiqué fermement lors d’un entretien accordé au Parisien, le 31 juillet.

Selon lui, 600 VAB sont actuellement déployés en opérations extérieures, dont 400 en Afghanistan. Et 56 d’entre eux ont été touchés, dont 22 détruits… Pour le CEMAT, sans ce type de véhicule, « nous serions incapables de remplir nos missions ». Le général Irastorza attend également l’entrée en service du Lance Roquettes Unitaire (LRU), qui doit équiper le 1er Régiment d’Artillerie, en remplacement du Lance-Roquettes Multiples (LRM), désormais interdit par la convention d’Oslo. Enfin, l’armée de Terre attend également un successeur pour l’ERC-90 Sagaie et l’AMX-10 RC, ce dernier étant très utile sur le théâtre afghan.

La marge de manoeuvre va être être étroite aussi pour les hélicoptères Tigre, dont une vingtaine de type HAP pourraient être mis sous cocon à des fins d’économies. Quant au NH90 version terrestre (TTH), une commande de 34 exemplaires est attendue en 2014. Il sera compliqué de ne pas la passer, étant donné que le prix des appareils a été fixé en fonction des quantités négociées.

Pour la Marine nationale, il est à craindre que le second porte-avions passe à la trappe, la solution passant par une mutualisation des moyens aéronavals avec les Britanniques. Mais le programme BATSIMAR (Bâtiment de surveillance et d’intervention maritime), qui vise à remplacer les patrouilleurs P400 et les bâtiments de transport légers (BATRAL), doit être lancé après l’adoption de la Loi de Programmation Militaire 2015-2020. Le désarmement progressif des navires actuellement en service va contraindre, en attendant, les marins à faire les fonds de tiroirs. Normalement, la Royale aura ses 11 frégates multimissions (FREMM). Mais il reste à commander les 3 derniers SNA Barracuda et le 4e BPC prévu par le LBDSN. Et il faudra également penser au successeur de l’avion de patrouille maritime Atlantique 2…

Enfin, l’armée de l’Air, très sollicitée actuellement, a tout à redouter de nouvelles réductions de crédits après 2012. Même si les Rafale arrivent progressivement, la modernisation des Mirage 2000D reste à faire.

« En partant d’une logique d’optimisation des flottes, l’aviation de combat devrait reposer sur deux pieds : une flotte ancienne modernisée et une flotte moderne en pleine croissance. C’est une assurance-vie d’un coût modéré permettant le maintien de compétences dans notre industrie. Nous aurons une période délicate à gérer sur les compétences ne sont pas prises en compte avec la rénovation des Mirage 2000D » avait déclaré, à ce sujet, le général Paloméros, le chef d’état-major de l’armée de l’Air, devant les députés de la Commission de la Défense.

En outre, si l’armée de l’Air devrait percevoir ses 50 avions de transport A400M (une réduction de la commande mettrait à nouveau en péril le programme), le dossier des ravitailleurs MRTT reste à traiter. Et il est, lui aussi, très urgent, étant donné que ce type d’appareil est essentiel à la fois pour la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire, mais aussi pour les opérations conventionnelles.

Alors, si les budgets ne sont pas au rendez-vous, il faudra trouver des solutions ou établir des priorités. Comme tout est peu ou prou urgent, les choix seront compliqués à faire. A moins de faire une nouvelle réforme et d’attaquer l’os, avec d’autres réductions d’effectifs à la clé et le risque de perdre des capacités difficiles à ré-acquérir, en enrobant le tout de mutualisations diverses et variées à l’échelle européenne….

Mais peut-être que d’ici-là, la mission en Afghanistan sera terminée (théoriquement en 2014 mais une autre crise peut toujours éclater) et le gouvernement aura trouvé d’autres recettes pour équilibrer son budget, comme en luttant plus efficacement contre les fraudes (20 milliards d’euros par an, selon un récent rapport parlementaire), en optimisant le système fiscal, en s’en prenant au mille-feuilles administratif (plus de 36.000 communes, est-ce raisonnable?) ou encore en taillant dans des dépenses qui ne relèvent pas de ses prérogatives régaliennes.

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