Le retrait des militaires français d’Afghanistan fait débat

La question de la présence des forces françaises d’Afghanistan a été une nouvelle fois soulevée après la mort de 7 militaires la semaine passée. D’ici 2014, et conformément à ce qui a été fixé lors du dernier sommet de l’Otan à Lisbonne, en novembre dernier, les forces afghanes assureront la sécurité sur l’ensemble de leur pays et prendront ainsi le relai de l’Otan.

Le président Sarkozy a d’ores et déjà annoncé un retrait partiel des troupes françaises ( 1.000 hommes sur 4.000 avant 2013), comme d’ailleurs l’a fait le président américain, Barack Obama. Cependant, certains candidats à la primaire du Parti socialiste en vue de l’élection présidentielle de 2012 voudraient accélérer ce calendrier de retrait, quitte à se livrer à une surenchère qui peut paraître malvenue, au vu des circonstances.

Ainsi, François Hollande retirerait l’ensemble des troupes françaises du théâtre afghan en 2013. Et Martine Aubry a promis d’en faire autant, mais dès 2012, dans le cas où elle serait élue. Pour Ségolène Royal qui s’était déclarée favorable, en 2007, à l’intervention de la France en Afghanistan, les militaires français seraient déjà rentrés… si on l’avait écoutée en septembre 2008.

« Cette obstination à maintenir la présence de l’armée française dans un pays dans lequel elle n’avait pas de capacité d’action et dans laquelle nos soldats étaient gravement exposés à toutes les formes d’attentats aboutit aujourd’hui à un nouveau drame qui prouve, une fois de plus, que Nicolas Sarkozy s’est fourvoyé en décidant la présence de l’armée française en Afghanistan » a-t-elle récemment déclaré, oubliant sans doute que l’engagement militaire de la France dans ce pays n’a pas été décidé par l’actuel président de la République mais par son prédécesseur, Jacques Chirac, dont le Premier ministre était, à l’époque, Lionel Jospin.

Ministre socialiste de la Défense de 1997 à 2002, Alain Richard a récemment expliqué à l’Express les raisons qui ont poussé à cet engagement. « Pratiquement toute la communauté internationale a décidé de soutenir une action militaire pour éliminer le pouvoir taliban qui avait apporté un soutien actif à Al-Qaïda conduisant aux attentats du 11 septembre. C’était conforme à la charte des Nations Unies et la résolution en ce sens a été unanime. En France le président, le gouvernement et les formations politiques représentées au Parlement l’approuvaient. L’idée de rester à l’écart n’a guère été évoquée », a-t-il ainsi affirmé.

Quant à l’idée d’un retrait unilatéral des forces françaises, Alain Richard a estimé que « notre crédibilité comme partenaire – à l’égard des Etats-Unis comme de tout autre allié – n’aurait rien gagné à un désengagement solitaire sans évaluation en commun. Le sujet de critique est plutôt que les Européens collectivement n’ont pas su définir de politique commune et que leur engagement militaire, indispensable pour peser politiquement dans pareille situation, reste disparate et incertain. »

C’est en tout cas en partie la vision exprimée par, Gérard Longuet, l’actuel ministre de la Défense, lequel a dénoncé, ce 19 juillet, « un manque de responsabilité » du PS au sujet du dossier afghan. « Lorsqu’on fait partie d’une coalition, on ne peut pas s’en désolidariser ou alors c’est la parole de la France qui est sujette à caution » a-t-il déclaré à l’antenne de France 2.

Selon lui, « la parole de la France consiste à faire évoluer une coalition et nous avons, en effet, (…) fait évoluer cette coalition en disant la transition, c’est 2014 et il n’est pas question de la remettre en cause ». « Nous sommes solidaires d’une coalition sinon la France aurait une parole incertaine, ce qui ne serait pas à la hauteur de son statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies » a-t-il ajouté.

Hormis le Japon, qui avait déployé une force navale pour apporter un soutien logistique à l’opération Enduring Freedom avant de la retirer en janvier 2010, aucun autre pays majeur n’a décidé un retrait unilatéral d’Afghanistan. Les Pays-Bas et le Canada ont certes mis un terme leur participation aux combats mais ils ont tous les deux mis en place une mission de formation des forces de sécurité afghanes.

L’évolution de l’Afghanistan dans les années qui viennent risque d’avoir une importance capitale. Tant que la coalition y est présente, les taliban ne reprendront pas le pouvoir. C’est après son départ que les choses risquent de se compliquer, surtout si les forces afghanes n’ont pas atteint le degré de maturité nécessaire pour empêcher leur retour. Il y a certes d’autres pays en « zone grise », tels que la Somalie, le Yémen ou encore ceux de la bande sahélienne, où des groupes terroristes prospèrent. Seulement, dans le cas afghan, il y a une donnée qui est trop souvent oubliée : la proximité du Pakistan, de son arme nucléaire et de la complicité de certains de ses services avec les groupes radicaux.

Pour la deuxième fois en quelque semaines, plusieurs centaines de taliban pakistanais ont attaqué, au début du mois, des villages de la région du Haut-Dir. Et, détail qui a son importance, les assaillants sont venus… d’Afghanistan. Une généralisation de ce phénomène est le scénario catastrophe que l’on peut redouter.

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