La vente de chars Leopard à l’Arabie Saoudite fait polémique en Allemagne

L’automne dernier, le prince saoudien Khaked ben Sultan s’était rendu à Madrid pour évoquer un éventuel contrat portant sur l’achat de 200 à 270 chars lourds Leopard 2E, construits sous licence par le groupe General Dynamics-Santa Barbara situé à Séville.

« Nous espérons que l’industrie militaire espagnole pourra satisfaire les besoins de l’Arabie Saoudite mais d’autres pays sont intéressés par ce contrat » avait déclaré, à l’époque, un responsable espagnol. Pour rendre cette vente possible, il fallait demander les autorisations nécessaires aux concepteurs du Leopard, à savoir les groupes allemands Krauss-Maffei Wegmann et Rheinmetall, détenteurs des brevets.

Mais finalement, si l’on en croit les informations de l’hebdomadaire Der Spiegel, c’est en Allemagne que seront fabriqués une grande partie des Leopards voulus par les Saoudiens, dont le choix s’est finalement porté sur la version 2A7+, qui, présentée en 2010 au salon de l’armement de Satory, a été spécialement conçue pour le combat urbain et les conflits aussi bien de basse comme de haute intensité, avec un renforcement de la protection contre les engins explosifs improvisés.

En effet, selon Der Spiegel, le Conseil fédéral de sécurité (BSR), qui a donné son accord pour la vente d’armes à l’Algérie (14,6 milliards sur 10 ans), a également autorisé la vente de 200 Leopard 2A7+ à l’Arabie Saoudite. Et cela est un revirement majeur de la politique allemande à l’égard du royaume wahhabite, ce qui ne manque pas de soulever une forte polémique outre-Rhin.

Jusqu’à présent, Berlin a refusé de vendre des armes lourdes à Ryad, au motif que cela aurait compromis la sécurité d’Israël et que le régime saoudien ne respecte pas les droits de l’homme. Cette ligne a notamment été défendue par l’ancien chancelier Helmut Kohl, le mentor d’Angela Merkel, qui dirige actuellement le gouvernement allemand.

Aussi, ce contrat, qui pourrait dépasser les 2 milliards d’euros, est fortement critiqué à droite comme à gauche et un débat sur le sujet a été réclamé au Bundestag, le parlement allemand.

Pour le responsable des écologistes, Jürgen Trittin, le gouvernement d’Angela Merkel doit donner des explications. « Ces décisions ne peuvent pas être prises à un moment où des personnes manifestent en faveur de la démocratie dans le monde arabe » a-t-il fait valoir à l’antenne de la télévision publique ARD.

Même chose pour le chef de l’opposition sociale-démocrate au Parlement, Gernot Erler, pour qui la vente de Leopard « en cette période de tension au Proche-Orient et dans la péninsule arabe témoigne d’un manque de jugement terrifiant », en plus d’être « un camouflet infligé aux mouvements pour la liberté des pays de toute la région ». Le président de la commission parlementaire des Affaires étrangères, le chrétien-démocrate Ruprecht Polenz (CDU, majorité), cela va à « l’encontre des règles en vigueur sur les exportations d’armes aux pays en proie à l’instabilité ».

Cela étant, les Etats-Unis n’ont pas montré les mêmes préventions quand il s’est agi de vendre pour 60 milliards de dollars d’armes à l’Arabie Saoudite, qui a une importance stratégique indéniable de par, notamment, ses réserves pétrolières. L’activisme, l’ambiguité sur la nature de son programme nucléaire et le développement de ses capacités balistiques font que l’Iran est perçue comme étant une menace pouvant destabiliser davantage la région du golfe Persique. D’où l’achat massif d’armes par le royaume saoudien, imité en cela par les autres monarchies pétrolières de la région.

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