Afghanistan : Un adjudant porte plainte contre sa hiérarchie

Après la plainte déposée par des familles de soldats français tués lors de l’embuscade de la vallée d’Uzbeen, en août 2008, voici une autre affaire qui ne manquera pas d’alimenter le débat sur la judiciarisation des opérations militaires.

En effet, un adjudant a décidé de porter plainte contre sa hiérarchie pour des faits ayant eu lieu le 22 novembre 2008. Ce jour-là, deux sous-officiers du 3e Régiment du Génie de Charleville-Mézières, affectés à un équipe « OMLT » (Operational Mentoring Liaison Team) chargée de former un bataillon du 201e corps de l’armée nationale afghane, effectuent une mission de reconnaissance près du camp de Darulaman, au sud de Kaboul.

Selon le compte-rendu publié par l’ADEFDROMIL, il s’agit alors d’inspecter le terrain, qualifié de dangereux par le capitaine C. en raison de la présence de nombreuses munitions non explosées (UXO, UneExploded Ordnance), où un exercice doit être organisé, contre l’avis de l’officier, qui avait auparavant soumis à la signature de son colonel une note de service visant à interdire cette zone.

Cela étant, la mission de reconnaissance vire au drame. Les deux sous-officiers démineurs, dont le travail est supervisé par l’adjudant P., neutralisent deux mines posées lors de l’intervention soviétique en Afganistan à proximité d’un chemin sécurisé.

Puis ils s’aperçoivent qu’ils sont en fait entrés dans un champ de mines. Ils reçoivent alors l’ordre de rebrousser chemin et de revenir sur l’axe sûr. Et tout se joue en un instant : l’un d’eux a le pied arraché par l’explosion d’un engin. Le second, l’adjudant Nicolas Rey, déséquilibré par le souffle, est tué par une autre mine. Le capitaine C. et l’adjudant P. ont tout vu. L’intervention de l’officier permettra de sauver la vie au blessé, qui est évacué vers l’hôpital militaire de Kaboul.

Depuis, les deux hommes, très affectés, sont atteints de syndrome de stress post-traumatique. De plus, leur hiérarchie les a placés dans des voies de garage, « placardisés ». Le capitaine C, hospitalisé à plusieurs reprises, a été sanctionné pour « faute professionnelle grave » par l’état-major de l’armée de Terre, au motif d’avoir tenté de neutraliser l’une des mines.

Quant à l’adjudant P., il a été placé en congé de longue maladie à cause de sa blessure psychique, après avoir eu le sentiment d’avoir été mis à l’écart par son régiment. C’est donc ce sous-officier qui a décidé de porter l’affaire devant les tribunaux et de déposer une plainte auprès du procureur du tribunal aux armées de Paris pour « atteintes involontaires à l’intégrité de la personne », estimant que des fautes de commandement ont été commises étant donné que les avertissements du capitaine C. n’ont pas été suivis d’effet. Il est assisté et soutenu dans ses démarches par l’ADEFDROMIL.

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