Défense/Europe : Le président Sarkozy répond vertement à Robert Gates

Le constat établi par Robert Gates le secrétaire américain à la Défense, devant le centre de réflexion bruxellois Security and Defense Agenda, le 10 juin dernier, a fait serrer quelques machoires. Et notamment celle du président Sarkozy.

Qu’avait dit Robert Gates? Que les pays européens membres de l’Otan, au lieu de baisser le niveau de leurs dépenses militaires comme ils le font actuellement devraient au contraire investir dans « des moyens de soutien cruciaux comme des hélicoptères, des avions de transport, des unités de maintenance, de renseignement, de surveillance et de reconnaissance », sous peine de voir une Alliance atlantique décrédibilisée sur le plan militaire et que les contribuables américains n’ont pas à « assumer le fardeau croissant créé par les réductions des budgets de la défense » sur le Vieux Continent.

« Nous tournant vers l’avenir, afin d’éviter la possibilité très réelle d’une inutilité militaire collective, les Etats membres (ndlr, de l’Otan) doivent examiner de nouvelles approches pour améliorer leurs capacités de combat » avait encore ajouté Robert Gates.

Bon nombre de pays européens ont soumis leur effort militaire à une rigueur budgétaire parfois drastique. C’est notamment le cas aux Pays-Bas, où des déficits capacitaires ne manqueront pas de poindre, mais aussi en Belgique, en Allemagne ou encore au Royaume-Unis, où le Premier ministre David Cameron doit faire face à une grogne de ses généraux, en particulier ceux de la Royal Air Force et de la Royal Navy.

La situation est plus contrastée en France, où le ministère de la Défense doit économiser 3,6 milliards d’euros en trois ans, somme partiellement compensée par des recettes exceptionnelles qui tardent à venir et des gains de productivité. Mais il n’empêche que les réformes entreprises depuis 2007 ont réduit le format des forces armées, même si 18 milliards d’euros ont été dépensés pour les équipements en 2009.

Seulement, le président Sarkozy n’a pas apprécié la sortie de Robert Gates, qui doit quitter ses fonctions dans quelques jours. « Il ne faut pas en vouloir à quelqu’un qui part à la retraite de faire preuve d’un peu d’amertume (…) on peut dire tout ce qu’on veut mais je n’ai pas le sentiment qu’en Libye, l’essentiel du travail soit fait par les Américains » a-t-il déclaré à l’issue d’un sommet europée, à Bruxelles, le 24 juin.

« C’est une déclaration injuste, qui tombe mal pour eux et qui ne correspond à aucune réalité » a-t-il poursuivi. « Nos amis américains ont deux drones, un certain nombre d’avions ravitailleurs et nous y sommes très sensibles mais, enfin, il ne viendrait pas à l’idée d’un homme aussi intelligent et responsable que le président Obama de dire que c’est l’Amérique qui fait l’essentiel du travail en Libye », a encore ajouté le président Sarkozy.

Certes, ce n’est pas l’armée américaine qui est à la manoeuvre, l’essentiel des frappes réalisées en Libye étant le fait des Français et des Britanniques. Mais tout de même, sans l’apport de ses avions ravitailleurs de l’US Air Force et de ses moyens de guerre électronique, les opérations seraient nettement plus compliquées. Dans le domaine du ravitaillement en vol, par exemple, la France, dispose de C135 FR à bout de force, maintenus grâce aux efforts des mécaniciens de l’armée de l’Air. Quant aux drones, Paris est encore à se demander s’il faut s’en procurer « sur étagère » auprès des Etats-Unis ou bien attendre qu’une solution européenne soit prête…

Le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen, qui a approuvé le constat de Robert Gates en y ajoutant la crainte d’un décrochage techonologique de l’Europe par rapport aux Etats-Unis, en a pris aussi pour son grade. « Je peux vous dire qu’il se réjouit de l’implication des avions et des hélicoptères français » en Libye a déclaré le président Sarkozy. « Ces reproches peuvent être adressés à tous les pays que vous voulez, mais pas à la France » a-t-il estimé.

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