Le numéro 2 de l’ISAF prône un engagement à long terme en Afghanistan

La disparition, le 2 mai dernier, d’Oussama Ben Laden, le chef d’al Qaïda, au cours d’une opération commando américaine au Pakistan, a relancé le débat sur la pertinence de la présence des forces de l’Otan en Afghanistan.

Ainsi, dans une tribune publiée par le Wall Street Journal, un ancien haut fonctionnaire américain, Leslie Ghelb, a estimé que la mission était « accomplie ». « En Afghanistan, il ne s’agit plus des intérêts de sécurité vitaux pour l’Amérique. Il s’agit de l’échec des élites politiques américaines à considérer deux faits simples : la menace d’al-Qaïda n’est plus centrée sur cet ancien champ de bataille et la lutte contre les taliban est une affaire des Afghans eux-mêmes » a-t-il écrit.

A Londres, le Premier ministre, David Cameron, a demandé à ses chefs militaires de commencer à réduire les effectifs des forces britanniques déployées en Afghanistan d’ici cet été.

Seulement, l’état-major n’y est pas favorable et a mis en garde sur le fait qu’une sortie prématurée serait de nature à mettre en péril les opérations de contre-insurrection et permettrait aux taliban de regagner du terrain. Aussi, il a proposé un plan de retrait très limité, portant sur 450 hommes sur les 10.000 que compte le Royaume-Uni en Afghanistan.

La mission de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF), sous commandement de l’Otan, est de stabiliser l’Afghanistan et d’aider son gouvernement à assumer seul la sécurité sur l’ensemble du pays, la traque des combattants d’al-Qaïda étant l’objet de l’opération Enduring Freedom.

Dans ces conditions, la neutralisation de Ben Laden ne change pas la nature mission de l’ISAF. En revanche, et comme l’a récemment souligné Alain Juppé, le ministre français des Affaires étrangères, elle peut permettre d’accélérer le cours des choses. Mais rien n’est moins sûr.

Un des objectifs de la stabilisation de l’Afghanistan est d’empêcher le retour des taliban afghans à Kaboul et d’éviter ainsi de retrouver la situation qui prévalait avant le 11 septembre 2001. Ces derniers n’ont pas formellement rompu leurs liens avec al-Qaïda, ni même avec d’autres organisations radicales avec lesquelles ils partagent la même idéologie (Mouvement islamique d’Ouzbekistan, groupes venus du Cachemire, etc…).

Et puis il ne faut pas perdre de vue les enjeux géostratégiques de la région, avec notamment la situation au Pakistan, qui, bien qu’aux prises avec le terrorisme, soutient les taliban afghans et d’autres groupes jihadistes, dans l’optique de son opposition avec l’Inde. A Islamabad, le pouvoir civil semble être à la merci de l’armée et de ses services secrets, lesquels jouent un jeu à la fois trouble et dangereux. Et puis il ne faut pas non plus oublier le rôle de la Chine, alliée des Pakistanais.

A la fin de l’année 2014, l’Otan a prévu de passer le relai aux forces de sécurité afghanes. Dès cet été, ce processus sera amorcé, avec le transfert de plusieurs provinces.

Pour le numéro deux de l’ISAF, le général britannique James Buckhall, cette date butoir ne doit pas être une « fin » mais un « jalon ». « Cet engagement à long terme est absolument essentiel à nos progrès à court terme » a-t-il expliqué au quotidien The Guardian. « Tant que nous n’aurons pas fait clairement comprendre que la communauté internationale ne va pas abandonner l’Afghanistan à court terme, les insurgés vont penser qu’ils peuvent attendre la fin de la campagne » a-t-il ajouté.

Nul ne sait encore si les forces de sécurité aghanes, dont la qualité est régulièrement remise en cause, seront en mesure faire face, seules, à l’insurrection menées par les taliban et leurs alliés. Ces derniers insistent d’ailleurs sur le retrait prochain de l’Otan dans leur propagande : ils ont le temps pour eux.

Par ailleurs, les protections dont a bénéficé Oussama ben Laden au Pakistan confirment que les jihadistes ont trouvé dans ce pays une terre d’accueil. Ils n’ont nul besoin de l’Afghanistan, étant donné qu’ils se sont installés dans la zone tribale du Nord-Waziristan ou au Balouchistan (c’est le cas du mouvement taleb afghan). Et c’est sans compter sur les autres refuges tels que le Yémen, la Somalie et le Sahel.

A moins d’insister sur les aspects géostratégiques du problème afghan, certains peuvent penser que la présence de l’Otan en Afghanistan n’est plus pertinente sur le plan de la lutte contre les mouvements terroristes, d’autant plus que cet engagement a coûté et coûte encore très cher. Dans ces conditions, la mort du chef d’al-Qaïda pourrait servir de prétexte à un retrait qui se ferait sans perdre la face.

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