Défense : Quand Hervé Morin s’inquiète des crédits d’équipement des armées

« J’ai dit aux militaires la chose suivante (…) : la lutte contre les déficits et ce que représente le rôle des armées, ce sont les mêmes combats. C’est le combat de la souveraineté, de l’indépendance du pays et de son rayonnement sur le long terme. Nous partageons en quelque sorte un peu les mêmes causes, les mêmes combats entre lutter contre les déficits et faire en sorte que nous soyons une armée crédible, une puissance militaire crédible » avait déclaré Hervé Morin, alors qu’il était encore ministre de la Défene, à l’antenne de BFM TV, le 9 juin 2010.

« Je pense que les militaires sont en mesure de comprendre que la lutte contre les déficits est une priorité absolue pour le pays. Nous avons déjà fait un effort considérable. Je ne me vois pas demander que nos armées soient les seules à être exonérées d’un effort » avait-il insisté.

La suite est connue. En trois ans, le ministère de la Défense doit réaliser 3,6 milliards d’euros d’économie (il avait été méme question de 4,8 milliards) afin de contribuer à l’effort de réduction des dépenses publiques. Cet effort doit être compensé par des recettes exceptionnelles, tirées de la vente d’emprises immobilières et de fréquences hertziennes, ainsi que par des efforts en matière de coût de fonctionnement.

Cet effort budgétaire rend compliqué le respect de Loi de Programmation militaire 2009-2014 ainsi que les objectifs du Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale de 2008, qui fixent à 377 milliards d’euros le budget des armées sur une décennie, avec une progression des crédits de 1% par an à partir de 2011.

Seulement voilà, ce principe, qui repose sur des recettes exceptionnelles permettant d’amortir les économies demandées à l’Hôtel de Brienne, a été défendu par Hervé Morin du temps qu’il était titulaire du portefeuille de la Défense. Maintenant qu’il a quitté le gouvernement, l’ancien ministre s’inquiète des conséquences de cette politique sur les crédits d’équipements des armées.

Dans un livre (*) à paraître le 11 mai, et dans lequel il règle ses comptes avec le président de la République, Nicolas Sarkozy, et après avoir rappelé que le respect de la LPM 2009-2014 dépend des recettes exceptionnelles, Hervé Morin explique que ces dernières vont se tarir en 2011 et sans autres ressources pour prendre le relais, « il manquera entre 20 et 30 milliards d’euros pour l’équipement des forces sur la période 2012-2020 ».

« Compte tenu du poids financier de la dissuasion nucléaire, qui représente 20% des crédits d’équipement et des dépenses incompressibles, ce gap budgétaire aura des conséquences terribles sur le reste de l’équipement des forces », explique-t-il. Et de prévoir que « faute d’un retour d’une croissance vigoureuse en 2012-2013, l’équiation s’avèrera extrêmement difficile pour le future président de la République ».

Ne valait-il pas mieux mettre en avant cette inquiètude au moment où la décision de rogner sur les crédits de la Défense a été prise? « Il n’est pas simple de défendre ses positions face à Nicolas Sarkozy quand on est ministre » explique Hervé Morin dans un chapitre consacré au président de la République. Et d’ajouter : « On regrette après de ne pas avoir été courageux, mais c’est trop tard ».

(*) « Arrêtez de mépriser les Français », Flammarion

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